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Il y a un an, la Commission ind\u00e9pendante sur les abus sexuels dans l\u2019\u00c9glise (Ciase) r\u00e9v\u00e9lait l\u2019ampleur des abus sexuels commis dans l\u2019\u00c9glise en France depuis 1950. Comment celle-ci peut-elle \u00eatre encore cr\u00e9dible dans la soci\u00e9t\u00e9 ?<\/strong><\/p>\nLa cr\u00e9dibilit\u00e9 de l\u2019\u00c9glise a \u00e9t\u00e9 remise en cause \u00e0 plusieurs reprises dans l\u2019histoire contemporaine. On lui a reproch\u00e9 d\u2019\u00eatre du c\u00f4t\u00e9 des riches et du patronat, loin des pauvres et des ouvriers ; proche de Vichy en France et non de la R\u00e9sistance, silencieuse sur la d\u00e9portation des Juifs\u2026 On pourrait continuer la liste. Mais il y a une crise plus profonde dont la crise des abus sexuels est un triste aspect, un ph\u00e9nom\u00e8ne global que j\u2019ai ressenti vraiment le soir de l\u2019incendie de Notre-Dame. Ce n\u2019\u00e9tait pas seulement le monument qui br\u00fblait, mais l\u2019\u00c9glise tout enti\u00e8re. Et il \u00e9tait significatif que cela se produise \u00e0 Paris et en France, qui ont \u00e9t\u00e9 le laboratoire historique d\u2019une rencontre entre \u00c9glise catholique et modernit\u00e9. Le concile Vatican II a une dette \u00e9norme \u00e0 l\u2019\u00e9gard du catholicisme fran\u00e7ais\u2026 et pourtant, c\u2019est en France que l\u2019\u00c9glise br\u00fblait.<\/p>\n
Quelles sont les causes de cette crise ?<\/strong><\/p>\nLa r\u00e9ponse n\u2019est pas simple. Mais la maladie de l\u2019\u00c9glise n\u2019est pas seulement une affaire catholique. Cette crise est celle du christianisme, de la soci\u00e9t\u00e9 la\u00efque, un ph\u00e9nom\u00e8ne europ\u00e9en, marqu\u00e9 par des sympt\u00f4mes diff\u00e9rents d\u2019un pays \u00e0 l\u2019autre : en Italie, la disparition de la D\u00e9mocratie chr\u00e9tienne ; en Espagne, le passage brutal d\u2019un catholicisme li\u00e9 au r\u00e9gime autoritaire de Franco \u00e0 la s\u00e9cularisation ; en Allemagne, les scandales d\u2019abus sexuels mais aussi le chemin synodal, qui remet en cause certaines positions du Vatican.<\/p>\n
Je m\u2019interroge aussi sur la rupture dans la transmission de la m\u00e9moire. Vous me direz que les traditionalistes y ont r\u00e9pondu, mais il s\u2019agit de la r\u00e9ponse minoritaire, sectaire, d\u2019une petite \u00c9glise nostalgique d\u2019un pass\u00e9 recr\u00e9\u00e9.<\/p>\n
Dans votre livre, vous mettez en garde contre l\u2019insignifiance de la pens\u00e9e de l\u2019\u00c9glise. \u00c0 quel moment a-t-elle perdu le contact avec l\u2019histoire ?<\/strong><\/p>\nLe p\u00e8re Marie-Dominique Chenu\u00a0(l\u2019un des experts en th\u00e9ologie de Vatican II, NDLR)<\/em>\u00a0disait qu\u2019il y avait 86 citations du mot \u00ab histoire \u00bb dans le Concile, une nouveaut\u00e9 absolue pour les conciles \u0153cum\u00e9niques. On parlait des signes des temps, on se posait la question de la politique, du tiers-monde, de la r\u00e9volution, de la conservation. L\u2019histoire \u00e9tait partout.<\/p>\nNotre \u00e9poque, au contraire, a perdu le sens de l\u2019histoire. Or regarder l\u2019histoire donne la force d\u2019affronter le futur, \u00e0 travers la complexit\u00e9 des situations. La le\u00e7on de Vatican II, r\u00e9activ\u00e9e par le pape Fran\u00e7ois, c\u2019est qu\u2019il faut vivre dans l\u2019histoire. Cela signifie \u00eatre capable de la lire avant de d\u00e9velopper une proph\u00e9tie, c\u2019est-\u00e0-dire une imagination alternative dont notre soci\u00e9t\u00e9, si pauvre en visions, a besoin. Cette vision viendra de l\u2019\u00c9criture et de l\u2019action des chr\u00e9tiens, dans le service aux pauvres, dans le b\u00e9n\u00e9volat. Jean-Paul II disait que la foi qui ne devient pas culture est une demi-foi. Non une culture acad\u00e9mique, mais une culture populaire, une foi pens\u00e9e et libre, mais aussi \u00e9motion et image.<\/p>\n
La notion de crise traverse tout votre livre et pourtant, vous refusez la rh\u00e9torique du d\u00e9clin : pourquoi ?<\/strong><\/p>\nDans la culture europ\u00e9enne, on parle du d\u00e9clin de l\u2019Occident depuis des ann\u00e9es, et c\u2019est devenu une mani\u00e8re de vivre ou de survivre. Je pense qu\u2019il y a un lien entre le d\u00e9clin europ\u00e9en et la crise de l\u2019\u00c9glise. Regardez l\u2019\u00e9lection de Jorge Bergoglio : son t\u00e9moignage de catholique latino-am\u00e9ricain a \u00e9t\u00e9 un choc. Ratzinger symbolisait la crise europ\u00e9enne et la crise de l\u2019\u00c9glise ensemble, tandis que Bergoglio incarne l\u2019\u00e9nergie d\u2019un catholicisme qui n\u2019\u00e9tait pas li\u00e9 \u00e0 l\u2019Europe.<\/p>\n
Je ne n\u00e9glige pas les ann\u00e9es Jean-Paul II. On dit que son pontificat a \u00e9t\u00e9 un marathon d\u2019un quart de si\u00e8cle et qu\u2019avec sa personnalit\u00e9, il a couvert, au fond, les faiblesses de l\u2019\u00c9glise. Wojtyla n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 une illusion. Il a exerc\u00e9 un gouvernement charismatique. Or, pour \u00eatre pape, il faut \u00eatre charismatique. Ratzinger ne l\u2019\u00e9tait pas et il a d\u00e9missionn\u00e9, semble-t-il avec raison. Fran\u00e7ois, lui, a figur\u00e9 le miracle, la sortie de la crise. De fait, son message est tr\u00e8s important, avec la centralit\u00e9 du pauvre, la fin des valeurs non n\u00e9gociables, le message \u00e9cologique, l\u2019encyclique\u00a0Fratelli tutti<\/em>\u2026 Mais lui non plus ne poss\u00e8de pas de baguette magique. Les probl\u00e8mes sont rest\u00e9s, \u00e0 commencer par la chute des vocations et le probl\u00e8me du pr\u00eatre, que les abus ont mis en \u00e9vidence.<\/p>\nO\u00f9 l\u2019\u00c9glise trouvera-t-elle son salut ?<\/strong><\/p>\nJe ne suis pas proph\u00e8te, mais selon moi, l\u2019esp\u00e9rance est dans la pri\u00e8re de l\u2019\u00c9glise. Il faut revenir \u00e0 l\u2019\u00c9criture, avoir la capacit\u00e9 de parler aux hommes et femmes de notre temps, int\u00e9grer les \u00e9trangers, ne pas avoir peur. L\u2019\u00c9glise de saint Gr\u00e9goire le Grand, pape et \u00e9v\u00eaque de Rome, a int\u00e9gr\u00e9 les barbares en cr\u00e9ant une civilisation romano-barbare, et aujourd\u2019hui en Italie, nous avons peur de dix barques qui portent des d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s\u2026<\/p>\n
Ma conviction pour l\u2019avenir, c\u2019est que le christianisme ne fait que commencer. L\u2019histoire n\u2019est pas finie si nous d\u00e9couvrons les \u00e9nergies profondes du christianisme. Concernant la crise des pr\u00eatres, par exemple. Peut-on laisser des communaut\u00e9s sans eucharistie ? Ne doit-on pas penser \u00e0 un autre clerg\u00e9 ? On parle de clerg\u00e9 mari\u00e9, mais j\u2019insiste plut\u00f4t sur un clerg\u00e9 adulte, mari\u00e9 ou pas : non des jeunes qui sortent du s\u00e9minaire, mais des hommes m\u00fbrs, avec une solide exp\u00e9rience de vie. Le christianisme a encore des ressources pour nous et notre Europe.<\/p>\n<\/div>\n<\/div>\n<\/div>\n<\/div>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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Quel avenir pour l'Eglise catholique ?<\/title>\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\t\n\t\n\t\n\n\n\t\n