Fr\u00e8res et s\u0153urs, quelques mots simplement en \u00e9cho \u00e0 ce que nous venons d\u2019entendre. Et, pour commencer, cette pens\u00e9e : il me semble qu\u2019il nous faut toujours revenir \u00e0 ce qui est l’\u00e2me de notre d\u00e9marche de car\u00eame. Et l\u2019\u00e2me de notre d\u00e9marche de car\u00eame, nous l\u2019avons \u00e9nonc\u00e9e lorsque, au 1er dimanche, \u00e0 la premi\u00e8re pri\u00e8re \u2014 la pri\u00e8re d\u2019ouverture de la messe \u2014 nous avons dit au Seigneur : \u00ab Accorde-nous Seigneur, tout au long de ce car\u00eame, de progresser dans la vraie connaissance de J\u00e9sus, le Christ. \u00bb Notre d\u00e9marche de car\u00eame c\u2019est cela : un chemin fait avec le Seigneur, pour mieux le conna\u00eetre, mieux recevoir sa Parole et mieux le confesser, mieux go\u00fbter son amiti\u00e9.<\/p>\n
Si le premier dimanche nous invitait \u00e0 partir au d\u00e9sert avec le Seigneur, c’est-\u00e0-dire \u00e0 briser nos routines, nos habitudes, peut-\u00eatre \u00e0 re-choisir un peu le silence ou une certaine \u00e9conomie de paroles, peut-\u00eatre aussi nous invitait \u00e0 un re-calibrage \u00e0 nos relations aux biens de ce monde, ou m\u00eame des relations que nous pouvons avoir entre nous, le second dimanche, lui, nous montrait J\u00e9sus dans la v\u00e9rit\u00e9 de la densit\u00e9 de son \u00eatre, ce que l\u2019on appelle \u00ab sa gloire \u00bb. Et selon une belle image que j\u2019entendais dimanche dernier dans la bouche d\u2019un pr\u00e9dicateur : sur la montagne de la Transfiguration, nous voyions J\u00e9sus dialoguer avec Mo\u00efse, la Loi, et avec \u00c9lie, la Proph\u00e9tie ; et la Loi de Mo\u00efse et la proph\u00e9tie symbolis\u00e9e par \u00c9lie, tissaient autour de J\u00e9sus cette aura de lumi\u00e8re dans laquelle on peut comprendre son Myst\u00e8re. La transfiguration, c\u2019est un moment de sur-lumi\u00e8re mais c\u2019est aussi une annonce de la Passion. C\u2019est bien vers la Passion que nous marchons, c\u2019est bien vers la croix du Seigneur que nous marchons, c\u2019est bien vers ce moment d’amour vrai, qui ne ment pas, ce moment d\u2019une vie qui se donne sans retour, que nous marchons. Nous suivons le Seigneur et nous voulons \u00eatre avec lui et au plus pr\u00e8s de lui dans ce moment qu\u2019il va vivre pour nous.<\/p>\n
Alors, conna\u00eetre le Seigneur\u2026<\/p>\n
\u00c0 pr\u00e9sent, apr\u00e8s le d\u00e9sert, apr\u00e8s la Transfiguration, nous entrons dans un autre moment du temps de car\u00eame et cette ann\u00e9e, c\u2019est l\u2019ann\u00e9e A, ce qui nous vaut de relire ces grandes pages d’\u00e9vangile tir\u00e9es de l’\u00c9vangile de Jean, au chapitre 4 aujourd\u2019hui, au chapitre 9e dimanche prochain et au chapitre 11e le dernier dimanche de car\u00eame, avant les Rameaux. Ces pages, chers amis, elles vous sont tout sp\u00e9cialement destin\u00e9es, Maud, Sarah, Sampiero, Guillaume . Ce sont des pages qui \u00e0 1 chaque fois vont vous donner l\u2019occasion de vous poser devant le Seigneur, ou peut-\u00eatre de le laisser se poser devant vous. Il y a une chose que j\u2019aime bien dire et r\u00e9p\u00e9ter : ce qui nous forme comme disciples du Seigneur, ce qui nous fait disciples du Seigneur, c\u2019est l\u2019ardeur et la pers\u00e9v\u00e9rance et la patience que nous mettons \u00e0 r\u00e9pondre \u00e0 la question que le Seigneur lui-m\u00eame nous adresse. Il nous dit \u00e0 tous et \u00e0 toutes \u2014 vous vous souvenez de \u00e7a, c\u2019est au moment de la confession de C\u00e9sar\u00e9e \u2014 il nous dit : \u00ab Pour vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? \u00bb Et j\u2019aime bien la personnaliser, \u00e0 chacun et \u00e0 chacune d\u2019entre nous le Seigneur dit : \u00ab Pour toi, que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? \u00bb Et il ne s\u2019agit pas de lui servir une \u00ab r\u00e9ponse de cat\u00e9chisme \u00bb qu\u2019on n\u2019aurait m\u00eame pas pris le temps d\u2019investir ou d\u2019interroger. Non ! Il faut entendre le \u00ab pour \u00bb au sens fort, non pas pour donner une d\u00e9finition du Seigneur, mais pour indiquer la place, le r\u00f4le qu\u2019il tient dans nos existences, ce qu\u2019il vient y apporter, ce qu\u2019il nous offre, ce que nous pouvons recevoir de lui pour notre bien et notre salut.<\/p>\n
Alors aujourd\u2019hui, nous avons une de ces grandes pages, la premi\u00e8re. Elle est tellement riche qu\u2019on ne peut \u00e9videmment pas l\u2019arpenter compl\u00e8tement. Mais, \u00e0 tout le moins, on peut relever quelques points. Bien s\u00fbr, \u00e0 la fin de cette page-ci, comme \u00e0 la fin d\u2019ailleurs des autres pages, nous aurons un des grands : \u00ab JE SUIS \u00bb de saint Jean. Aujourd\u2019hui, J\u00e9sus d\u00e9clarera \u00e0 la Samaritaine qu\u2019\u00abIl est le Christ \u00bb dont elle parle et qu\u2019avec d\u2019autres, apparemment, elle attend. Plus tard, il aura l\u2019occasion cat\u00e9chum\u00e8nes qui recevront le saint bapt\u00eame dans la nuit de P\u00e2ques \u00e0 Saint-Eustache. 1 12\/03\/23 Page 1 sur 3 de dire : \u00ab JE SUIS LA LUMI\u00c8RE \u00bb, plus tard encore il aura l\u2019occasion de dire : \u00ab JE SUIS LE MA\u00ceTRE DE LA VIE \u00bb\u2026 Mais lorsque nous essayons de nous poser en face de lui, pour le conna\u00eetre, il ne faut pas attendre le dernier \u00ab JE SUIS \u00bb qui va nous r\u00e9v\u00e9ler, peut-\u00eatre, le sublime du Seigneur, non ! il faut consid\u00e9rer J\u00e9sus durant toute la rencontre qu\u2019il nous est donn\u00e9 de contempler aujourd\u2019hui.<\/p>\n
J\u00e9sus, bien s\u00fbr qu\u2019il est le Christ, mais il est ce Christ fatigu\u00e9 du voyage, qui a besoin de se rafra\u00eechir et qui s\u2019assoit sur la margelle du puits. J\u00e9sus, il est ce Christ qui partage notre condition, il n\u2019est pas un surhomme ! Non ! Il est entr\u00e9 en humanit\u00e9 pour vivre une humanit\u00e9 comme la n\u00f4tre, et il faut toujours veiller \u00e0 ne pas sauter cette \u00e9tape-l\u00e0. Mais i\u0142 y a plus. J\u00e9sus, que fait-il lorsqu\u2019il est assis sur la margelle du puits ? On nous dit qu\u2019il entre en conversation avec une femme de Samarie. C’est-\u00e0 dire que J\u00e9sus est ce Christ qui entre en dialogue avec ceux et celles qu\u2019il rencontre, et le dialogue qu\u2019il va nouer avec eux est tellement important qu\u2019il n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 franchir les fronti\u00e8res que nous aimons tant dessiner, il n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 renverser les barri\u00e8res que nous aimons tant dresser, il n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 faire tomber les murs que nous aimons construire. Jamais il n\u2019aurait d\u00fb parler \u00e0 cette personne : une femme et une Samaritaine. Ils n\u2019avaient rien en commun. Elle est \u00e9gar\u00e9e dans je ne sais quelles t\u00e9n\u00e8bres de non-lumi\u00e8re, peut-\u00eatre les al\u00e9as un peu approximatifs d\u2019une vie o\u00f9 tout ne va pas de soi, peut-\u00eatre aussi les t\u00e9n\u00e8bres \u2014 disons le mot \u2014 d\u2019une forme d\u2019idol\u00e2trie, en tout cas de distance du vrai Dieu.<\/p>\n
Mais J\u00e9sus est l\u00e0 pour entrer en dialogue et aller \u00e0 la rencontre de tout cela. La premi\u00e8re mani\u00e8re qu\u2019il a de dispenser sa lumi\u00e8re c\u2019est d\u2019entrer en dialogue, et peu importe les temps, les moments, les circonstances ou je ne sais quels conditionnements. Le Seigneur entend entrer en dialogue. Il est un Christ de la rencontre qui va au-devant de quiconque vient \u00e0 lui ou veut bien se laisser rencontrer par lui.<\/p>\n
Plus encore, il est ce Christ qui va se r\u00e9v\u00e9ler \u00e0 fleur de vie concr\u00e8te. Il ne sert pas une belle th\u00e9orie, il ne parle pas de lui en se sublimant, non ! il entre dans le r\u00e9el concret, v\u00e9cu, de cette femme qu\u2019il rencontre alors qu\u2019elle se livre \u00e0 la corv\u00e9e d\u2019eau. J\u00e9sus part de l\u00e0. Et c\u2019est \u00e0 partir de cet \u00e9l\u00e9ment si concret, tellement concret que presque trivial, que l\u2019on va pouvoir, ensuite, aller vers d\u2019autres th\u00e8mes de conversation : on va passer de la corv\u00e9e d\u2019eau \u00e0 un dialogue sur l\u2019adoration \u00ab en esprit et en v\u00e9rit\u00e9 \u00bb. Il y a quelque chose qui me frappe toujours dans cette page, je ne sais pas si on s\u2019y arr\u00eate souvent. J\u00e9sus est ce Christ qui conna\u00eet son monde. J\u00e9sus est ce Christ qui regarde et voit ce qu\u2019il regarde. \u00c0 un moment donn\u00e9 cette question \u00e9tonnante, presque intrusive, mal-polie : \u00ab Va chercher ton mari. \u00bb \u2014 \u00ab Je n ‘ai pas de mari. \u00bb, et la r\u00e9ponse de J\u00e9sus, que l\u2019on peut entendre comme cinglante : \u00ab En effet, tu as eu cinq maris et celui que tu as \u00e0 pr\u00e9sent n\u2019est pas ton mari ; en cela tu dis vrai. \u00bb<\/p>\n
Mais ce qui est int\u00e9ressant, c\u2019est que J\u00e9sus qui est ce Christ qui regarde et qui voit ceux et celles qu\u2019il a en face de lui, il les regarde d\u2019un regard non-intrusif. Et c\u2019est la Samaritaine qui nous le dit. \u00c0 aucun moment elle ne trahit de g\u00eane dans le regard de J\u00e9sus, elle lui dira simplement, \u00e0 sa premi\u00e8re remarque : \u00ab Je vois que tu es un proph\u00e8te. \u00bb Et vous avez not\u00e9 combien de fois ensuite elle revient sur cette parole de J\u00e9sus qui a vu en elle comme en un livre ouvert, et qui, pour autant, ne l\u2019a pas jug\u00e9e, ne l\u2019a pas repouss\u00e9e. Les vraies questions, les grandes questions, sont ailleurs : oui, l\u2019Esprit, l\u2019adoration en esprit et en v\u00e9rit\u00e9, la possibilit\u00e9 pour nous de laisser jaillir en nous une eausource jaillissant pour la vie \u00e9ternelle. Le Seigneur est venu pour d\u00e9sensabler ces sources de lumi\u00e8re, ces sources d\u2019humanit\u00e9, ces sources de fraternit\u00e9, c’est-\u00e0-dire \u00e9quivalemment ces sources de la vraie connaissance de Dieu que nous ensablons si souvent.<\/p>\n
Fr\u00e8res et s\u0153urs, vous aurez tout le loisir de revenir sur cette magnifique page de l’\u00c9vangile selon saint Jean. Je ne voudrais pas conclure ces quelques mots sans avoir fait retour sur les quelques versets du chapitre 5 de l\u2019\u00e9p\u00eetre aux Romains, simplement parce que c\u2019est un des lieux o\u00f9 l\u2019on trouve des phrases fortes et porteuses, des phrases fortes et lumineuses de la part de saint Paul. Saint Paul qui nous parle de la gr\u00e2ce du Christ et qui nous dit que l\u2019esp\u00e9rance que nous mettons en lui ne d\u00e9\u00e7oit pas parce que, je cite : \u00ab L\u2019amour de Dieu a \u00e9t\u00e9 r\u00e9pandu dans nos c\u0153urs par l\u2019Esprit Saint qui nous a \u00e9t\u00e9 donn\u00e9. \u00bb Le bapt\u00eame \u2014 d\u00e9sormais proche pour nos amis cat\u00e9chum\u00e8nes \u2014 c\u2019est 12\/03\/23 Page 2 sur 3 cela, c\u2019est une question d\u2019effusion d\u2019Esprit c’est-\u00e0-dire, tout aussi bien, une question d\u2019effusion d\u2019amour. Non pas des bons sentiments, mais la ferme d\u00e9termination \u00e0 toujours agir selon la justice, pour le bien et dans l\u2019amour.<\/p>\n
Alors fr\u00e8res et s\u0153urs, avec saint Paul, confessons le Christ, notre Seigneur et notre fr\u00e8re, celui qui vient inlassablement \u00e0 notre rencontre pour que jaillisse perp\u00e9tuellement en nous et rejaillisse encore la source de l\u2019Esprit, la source de l\u2019amour de Dieu qui peut sourdre dans le c\u0153ur de chacun et de chacune. AMEN<\/p>\n