Chers fr\u00e8res et s\u0153urs, chers amis, pourquoi aujourd\u2019hui, quatri\u00e8me et dernier dimanche de
\nl\u2019Avent, ne pas commencer par r\u00e9entendre le petit passage de l\u2019\u00e9p\u00eetre aux Romains que nous offre
\nla liturgie de ce jour ?
\n\u00c0 Celui qui peut vous rendre forts selon mon \u00c9vangile qui proclame J\u00e9sus Christ :
\nr\u00e9v\u00e9lation d\u2019un myst\u00e8re gard\u00e9 depuis toujours dans le silence, myst\u00e8re maintenant
\nmanifest\u00e9 au moyen des \u00e9crits proph\u00e9tiques, selon l\u2019ordre du Dieu \u00e9ternel, myst\u00e8re port\u00e9
\n\u00e0 la connaissance de toutes les nations pour les amener \u00e0 l\u2019ob\u00e9issance de la foi, \u00e0 Celui qui
\nseul est sage, Dieu, par J\u00e9sus Christ, \u00e0 lui la gloire pour les si\u00e8cles. Amen.
\nC\u2019est une doxologie. C\u2019est un moment o\u00f9 Paul rend gloire \u00e0 Dieu. Et cette doxologie nous redit
\nbeaucoup de choses. A commencer par la port\u00e9e universelle de ce qui est advenu en J\u00e9sus Christ :
\nil est venu proclamer un salut non pas \u00ab r\u00e9serv\u00e9 \u00bb mais largement donn\u00e9, dispens\u00e9, \u00e0 qui veut bien
\nle recevoir. Et nous savons combien cette perspective, sous la plume de saint Paul est significative,
\nlui qui a longtemps eu tant de mal \u00e0 franchir les limites de l\u2019\u00e9lection, les limites d\u2019un salut
\n\u00ab r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 quelques-uns \u00bb \u2026 jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il comprenne que le Peuple \u00c9lu \u00e9tait – et demeure \u2013 le
\nt\u00e9moin premier et privil\u00e9gi\u00e9 d\u2019un don qui le d\u00e9passe, tout comme il d\u00e9passe d\u2019ailleurs quiconque
\nle re\u00e7oit. C\u2019est que, \u00eatre r\u00e9cipiendaire du salut r\u00e9v\u00e9l\u00e9 et donn\u00e9 dans la Torah et les proph\u00e8tes, ou
\nr\u00e9v\u00e9l\u00e9 et accompli en J\u00e9sus Christ, ne fait de personne le propri\u00e9taire de ce salut ou de cet amour,
\nmais n\u2019en fait au contraire que tr\u00e8s simplement et tr\u00e8s modestement le t\u00e9moin ; un t\u00e9moin qui
\nn\u2019arr\u00eate rien \u00e0 lui, qui ne re\u00e7oit pas pour garder, mais qui re\u00e7oit pour partager.
\nAlors que l\u2019Avent, temps d\u2019attente et de d\u00e9sir arrive \u00e0 son paroxysme d\u2019intensit\u00e9 et tout bient\u00f4t \u00e0
\nson terme (qui est en fait un d\u00e9but, comme on l\u2019a d\u00e9j\u00e0 dit et comme il faudra peut-\u00eatre y revenir),
\nnous pouvons nous placer dans la lumi\u00e8re de l\u2019exultation de Paul pour vivre aujourd\u2019hui ce qui est,
\n\u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, un moment d\u2019intimit\u00e9 et presque de secret : le dialogue (et comme ce mot est
\nimportant ! J\u2019y insiste : le dialogue) entre l\u2019attente fragile et forte de la terre et du monde des
\nhommes incarn\u00e9e en Marie, et la r\u00e9ponse puissante et douce du ciel manifest\u00e9e par une
\nmagnifique figure archang\u00e9lique. Reprenons cela.
\nCe \u00e0 quoi nous assistons aujourd\u2019hui, c\u2019est un dia-logue. Dialogue singulier entre deux
\ninterlocuteurs que tout semble s\u00e9parer : une jeune fille, rejointe \u00e0 la fois dans son quotidien, dans
\nsa maison et au c\u0153ur de son esp\u00e9rance (on serait m\u00eame tent\u00e9 de mettre \u00e0 ce mot un \u00ab E \u00bb
\nmajuscule tant l\u2019enjeu est important), voil\u00e0 pour le premier interlocuteur ; et l\u2019autre, un \u00eatre
\nc\u00e9leste dont \u00ab l\u2019ordinaire \u00bb (si l\u2019on peut ainsi parler) est tout d\u2019\u00e9ternit\u00e9 et c\u00e9leste \u2013 tr\u00e8s tr\u00e8s au-del\u00e0
\ndes contingences de ce monde (\u00e0 commencer par les plus banales, voire les plus triviales ou, pire
\nencore et surtout, les plus insupportables [la souffrance, le malheur du monde et la mort] ). Mais
\ndia-logue il y a. Et je voudrais dire d\u2019abord un dialogue sous le signe de la joie. La premi\u00e8re
\nsalutation, la premi\u00e8re parole que dit l\u2019ange c\u2019est : \u00ab R\u00e9jouis-toi Marie ! \u00bb – \u00ab R\u00e9jouis-toi Marie ! \u00bb
\nL\u2019invocation adress\u00e9e \u00e0 Sion qui doit se r\u00e9jouir du salut qui vient jusqu\u2019\u00e0 elle. Et ensuite apr\u00e8s
\ncette invitation \u00e0 la joie, \u00e0 entrer dans la joie du salut de Dieu, il y a ce dialogue lib\u00e9r\u00e9 de toute
\ncrainte, avec ce qui est quand m\u00eame comme un refrain de toutes les annonciations que nous
\npouvons rencontrer sur notre chemin : \u00ab Sois sans crainte ! \u00bb. \u00ab Sois sans crainte ! \u00bb adress\u00e9 \u00e0
\nMarie ici ; chez Matthieu \u00ab Sois sans crainte ! \u00bb adress\u00e9 \u00e0 Joseph ; \u00ab Sois sans crainte ! \u00bbadress\u00e9 \u00e0
\nZacharie le p\u00e8re de Jean Baptiste dans l\u2019\u00c9vangile de Luc, \u2026 Combien de fois, au fil des
\nAnnonciations m\u00e9dit\u00e9es ces jours-ci, avons-nous entendu cette br\u00e8ve et lib\u00e9rante phrase !!!
\nC\u2019est donc un vrai \u00e9change de paroles qui a lieu. La parole divine ne vient pas \u00e9teindre la parole
\nhumaine en lui imposant des solutions ou des r\u00e9ponses qui r\u00e9pondraient \u00e0 tout, tout de suite, dans
\nl\u2019instant. Au contraire : la parole divine vient au devant des attentes et des esp\u00e9rances de
\nl\u2019humanit\u00e9. Comme si elle ne voulait pr\u00e9juger de rien, mais souhaitait entendre formul\u00e9 le d\u00e9sir et
\nl\u2019attente de ceux et celles qui, de tout leur \u00eatre, tendent au salut. J\u00e9sus, au cours de sa vie, ne dirat-il pas si souvent :
\n\u00ab Que veux tu que je fasse pour toi ? \u00bb. Et il faut lire l\u00e0 la d\u00e9licatesse de Dieu
\nqui ne sauve personne malgr\u00e9 lui ou malgr\u00e9 elle, mais attend d\u2019entendre le d\u00e9sir profond de celui
\nou celle qui aspire au salut.
\nDialogue encore lorsque l\u2019humain qui accueille la parole divine, loin de s\u2019\u00e9craser ou de s\u2019ex\u00e9cuter
\nplatement ou servilement (eu \u00e9gard \u00e0 l\u2019incomparable autorit\u00e9 de celui qui parle), s\u2019\u00e9veille \u00e0 la
\nproposition qui lui est faite, et s\u2019enquiert des chemins que cela va prendre. On rep\u00e8re ici deux
\nattitudes de fond invisibles \u00e0 l\u2019\u0153il nu, humain, mais que perce l\u2019ange : soit, comme Zacharie, le
\nc\u0153ur r\u00e9siste \u00e0 la proposition de salut, pas sans raison \u00e0 vrai dire, mais au titre de l\u2019\u00e9vidence de
\ntout ce qui s\u2019y oppose (dans le cas de Zacharie : la st\u00e9rilit\u00e9, le grand \u00e2ge\u2026). Toutes choses qui
\nrel\u00e8vent de fait, qui sautent aux yeux. C\u2019est alors un fond d\u2019incr\u00e9dulit\u00e9 qui r\u00e9siste \u00e0 la proposition.
\nOu bien alors, soit que, comme Marie – c\u2019est un autre cas – le c\u0153ur se livre au-del\u00e0 de toute raison,
\net en d\u00e9pit de toute \u00e9vidence pour vivre l\u2019aventure du salut dans une confiance \u00e9perdue et une
\ndisponibilit\u00e9 incroyable \u00e0 y prendre non seulement sa place, mais aussi sa part. Toute sa place et
\ntoute sa part\u2026 f\u00fbt-ce \u2013 et on peut dire, comme c\u2019est vrai de la M\u00e8re de Dieu ! \u2013 sous le signe de la
\nplus grande humilit\u00e9 et discr\u00e9tion. Le moins que l\u2019on puisse dire, c\u2019est que Marie a une mani\u00e8re
\ntout \u00e0 fait \u00e0 elle, d\u2019\u00eatre pr\u00e9sente \u00e0 tout l\u2019\u00c9vangile, mais sous les esp\u00e8ces d\u2019une discr\u00e9tion qui ne
\nlaisse de donner \u00e0 penser;
\nOn ne peut que noter \u2013 car cela r\u00e9pond \u00e0 une exigence profonde de la R\u00e9v\u00e9lation, de la logique de
\nla R\u00e9v\u00e9lation \u2013 on ne peut que noter le mouvement naturel de Marie d\u2019entrer comme
\nnaturellement en dialogue avec l\u2019archange. La R\u00e9v\u00e9lation suscite en effet, ou devrait toujours
\nsusciter la question ou le questionnement humain. Il n\u2019est jamais question, dans toute l\u2019histoire
\nsainte qui est la n\u00f4tre \u2013 et d\u2019abord celle du Peuple \u00c9lu \u2014 de \u00ab recevoir \u00bb sans, \u00e0 son tour, prendre
\nla parole, sans s\u2019\u00e9veiller \u00e0 ce que le Seigneur veut dire, sans chercher \u00e0 comprendre le don que
\nDieu fait dans sa Parole et son salut. \u00ab Comment cela va-t-il se faire ? \u00bb demande Marie. Et son
\npropos n\u2019exprime en rien qu\u2019elle doute de la parole de Celui qui, \u00e0 travers l\u2019ange s\u2019adresse \u00e0 elle.
\nElle ne doute pas de son Dieu (et tout son Magni&icat en rendra tr\u00e8s largement t\u00e9moignage).
\nN\u00e9anmoins, elle veut entrer dans les vues du Dieu qui l\u2019appelle \u00e0 prendre sa part dans la
\nr\u00e9alisation du Salut, et cela ne va pas, ne peut pas aller sans question \u2026 Ce dont il s\u2019agit ici en effet,
\nc\u2019est une relation d\u2019\u00eatre \u00e0 \u00eatre, de personne \u00e0 personne : le Tr\u00e8s-Haut qui attend que l\u2019humain
\ns\u2019engage pour marcher comme le faisait Jean le Baptiste sur les chemins de la justice et de la
\nv\u00e9rit\u00e9.
\nCe que je rel\u00e8ve, c\u2019est qu\u2019on voit que Marie a tout un chemin \u00e0 faire pour finalement – pour
\nfinalement donner son \u00ab Fiat \u00bb, c\u2019est \u00e0 dire l\u2019acquiescement, non seulement de son intelligence,
\nmais aussi en m\u00eame temps l\u2019implication de toute sa vie\u2026 D\u2019embl\u00e9e, \u00e0 l\u2019image de l\u2019enfant qui va
\nprendre forme humaine en son sein, elle se met \u00e0 l\u2019\u00e9coute de son Dieu, car elle est d\u2019abord cela la
\nVierge, attentive \u00e0 la parole, et ensuite elle se fait ob\u00e9issante \u00e0 sa volont\u00e9. Et comment ne pas
\nrappeler que dans ce mot de \u00ab ob\u00e9ir \u00bb il y a encore la trace d\u2019une \u00e9coute pouss\u00e9e \u00e0 l\u2019extr\u00eame. Pour
\nle dire autrement \u2013 mais c\u2019est vraiment redire la m\u00eame chose avec d\u2019autres mots \u2013 Marie, elle
\nentre en consonance avec le dessein d\u2019amour de Dieu sur l\u2019humanit\u00e9, et elle accepte que la
\nr\u00e9alisation de ce dessein aimant passe par elle.
\nEt je me dis qu\u2019ici, chacun, chacune de nous peut se poser la question de sa propre disponibilit\u00e9.
\nUne disponibilit\u00e9 qui est \u00e0 deux versants : d\u2019une part disponibilit\u00e9 pour accueillir le salut que Dieu
\noffre \u00e0 chacun, et que chacun chacune se pose la question de : \u00ab que signifie ce salut \u00bb pour moi ?
\nmais aussi – autre versant – eh bien, disponibilit\u00e9 \u00e0 ce salut que Dieu offre aussi pour les autres,
\npour tous les autres, de sorte \u00e0 s\u2019en faire le t\u00e9moin, le t\u00e9moin lib\u00e9ral de quelqu\u2019un qui est et qui
\npeut \u00eatre vraiment tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9reux avec quelque chose qui ne lui appartient pas puisqu\u2019il l\u2019a re\u00e7u par
\npure gr\u00e2ce, c\u2019est le don de Dieu, mais qui n\u2019attend que d\u2019\u00eatre partag\u00e9, et tr\u00e8s largement partag\u00e9.
\nParvenus au quatri\u00e8me dimanche, nous sommes bien pr\u00e8s de notre but, et bien pr\u00e8s de faire les
\ntout derniers pas jusqu\u2019\u00e0 Bethl\u00e9em. L\u00e0, on se l\u2019est souvent dit, tout nous sera donn\u00e9\u2026 mais en
\nm\u00eame temps tout restera \u00e0 d\u00e9couvrir, car \u00e0 Bethl\u00e9em ce sera le d\u00e9but seulement de la
\nmanifestation de \u00ab Celui qui vient au nom du Seigneur \u00bb, ce sera J\u00e9sus enfant, il y aura encore tant
\nde chemin \u00e0 faire avec Lui.
\nComme le disait le P\u00e8re Souletie (doyen de la facult\u00e9 de th\u00e9ologie de l\u2019Institut Catholique de Paris,
\nqui pr\u00eachait cette ann\u00e9e l\u2019Avent \u00e0 la paroisse Saint-Eustache \u00e0 Paris), au fil de l\u2019Avent le voile se
\nl\u00e8ve sur le myst\u00e8re de l\u2019enfant, c\u2019est \u00e0 dire sur le myst\u00e8re m\u00eame de notre humanit\u00e9. L\u2019humanit\u00e9 de
\nchacun, l\u2019humanit\u00e9 de chacune, l\u2019humanit\u00e9 tout enti\u00e8re, cette communion d\u2019\u00eatres vivants,
\nhumains, en qu\u00eate de plus en plus d\u2019humanit\u00e9 accomplie, en qu\u00eate de sens, en qu\u00eate de bonheur,
\nen qu\u00eate de paix, c\u2019est-\u00e0-dire de justice et d\u2019amour. Alors que nous sommes si pr\u00e8s du but, ne
\nrel\u00e2chons pas notre attente !
\nEt comme je l\u2019ai fait tous ces derniers temps, je conclus avec vous ces quelques mots par l\u2019antienne
\n\u00ab \u00d4 \u00bb de ce jour, que nous chanterons ce soir avant justement le Cantique de la Vierge Marie, le
\nMagnificat. C\u2019est une antienne en forme d\u2019invocation. Elle dit chaque soir notre d\u00e9sir, notre
\nimpatience m\u00eame d\u2019accueillir le Seigneur. Et ce soir nous chanterons :
\n\u00d4 Cl\u00e9 de David,
\net sceptre de la maison d\u2019Isra\u00ebl,
\nToi qui ouvres et nul ne ferme,
\ntu fermes et personne n\u2019ouvrira.
\nViens Seigneur pour d\u00e9livrer ceux qui habitent les t\u00e9n\u00e8bres !
\nViens Seigneur !
\nViens nous sauver !
\nOui Seigneur, toi qui es la cl\u00e9 de nos vies, ne tarde pas \u00e0 venir combler notre d\u00e9sir et nous donner
\nla pl\u00e9nitude de ta joie !
\nAMEN<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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