{"id":8894,"date":"2024-02-28T16:00:38","date_gmt":"2024-02-28T15:00:38","guid":{"rendered":"https:\/\/ecclesiola.fr\/?post_type=ctc_sermon&p=8894"},"modified":"2024-02-28T21:01:46","modified_gmt":"2024-02-28T20:01:46","slug":"priere-de-careme-st-ephrem","status":"publish","type":"ctc_sermon","link":"https:\/\/ecclesiola.fr\/multimedia\/priere-de-careme-st-ephrem\/","title":{"rendered":"Pri\u00e8re de St Ephrem – commentaire d’Alexandre Schmemann"},"content":{"rendered":"
(Pri\u00e8re attribu\u00e9e \u00e0 saint Ephrem le Syrien – IVe si\u00e8cle)<\/em><\/p>\n Seigneur et Ma\u00eetre de ma vie,<\/em><\/strong> Commentaire d’Alexandre Schmemann sur la pri\u00e8re de St Ephrem:<\/strong><\/span><\/p>\n Parmi toutes les hymnes et pri\u00e8res de Car\u00eame se trouve cette courte pri\u00e8re que l\u2019on peut appeler la<\/em>\u00a0pri\u00e8re du Car\u00eame. La tradition l\u2019attribue \u00e0 l\u2019un des grands ma\u00eetres de la vie spirituelle, saint \u00c9phrem le Syrien (+373).<\/p>\n Cette pri\u00e8re est lue deux fois \u00e0 la fin de chaque office du Car\u00eame, du lundi au vendredi (on ne la dit pas le samedi et le dimanche, car les offices de ces deux jours ne suivent pas l\u2019ordonnance du Car\u00eame). On la dit une premi\u00e8re fois en faisant une m\u00e9tanie (prosternation) apr\u00e8s chaque demande. Puis on s\u2019incline douze fois en disant\u00a0: \u201d\u00a0\u00d4 Dieu, purifie-moi, p\u00e9cheur\u00a0!\u00a0\u201d Enfin on r\u00e9p\u00e8te toute la pri\u00e8re avec une derni\u00e8re prosternation \u00e0 la fin.<\/p>\n Pourquoi cette courte et si simple pri\u00e8re occupe-t-elle une place aussi importante dans la pri\u00e8re liturgique du Car\u00eame\u00a0? C\u2019est qu\u2019elle \u00e9num\u00e8re d\u2019une fa\u00e7on tr\u00e8s heureuse tous les \u00e9l\u00e9ments\u00a0n\u00e9gatifs<\/em>\u00a0et\u00a0positifs<\/em>\u00a0du repentir, et constitue en quelque sorte un aide-m\u00e9moire pour notre effort personnel de Car\u00eame. Cet effort vise d\u2019abord \u00e0 nous lib\u00e9rer de certaines maladies spirituelles fondamentales qui impr\u00e8gnent notre vie et nous mettent pratiquement dans l\u2019impossibilit\u00e9 de commencer m\u00eame \u00e0 nous tourner vers Dieu.<\/p>\n La maladie fondamentale est\u00a0l\u2019oisivet\u00e9<\/em>, la paresse<\/strong>. Elle est cette \u00e9trange apathie, cette passivit\u00e9 de tout notre \u00eatre, qui toujours nous tire plut\u00f4t vers le bas que vers le haut, et qui, constamment, nous persuade qu\u2019aucun changement n\u2019est possible, ni par cons\u00e9quent d\u00e9sirable. C\u2019est, en fait, un cynisme profond\u00e9ment ancr\u00e9 qui, \u00e0 toute invitation spirituelle, r\u00e9pond\u00a0: \u201d\u00a0\u00c0 quoi bon\u00a0?\u00a0\u201d et qui fait ainsi de notre vie un d\u00e9sert spirituel effrayant. Cette paresse est la racine de tout p\u00e9ch\u00e9, parce qu\u2019elle empoisonne l\u2019\u00e9nergie spirituelle \u00e0 sa source m\u00eame.<\/p>\n La cons\u00e9quence de la paresse, c\u2019est le\u00a0d\u00e9couragement<\/em><\/strong>. C\u2019est l\u2019\u00e9tat d\u2019ac\u00e9die, ou de d\u00e9go\u00fbt, que tous les P\u00e8res spirituels regardent comme le plus grand danger pour l\u2019\u00e2me. L\u2019ac\u00e9die est l\u2019impossibilit\u00e9 pour l\u2019homme de reconna\u00eetre quelque chose de bon ou de positif\u00a0: tout est ramen\u00e9 au n\u00e9gativisme et au pessimisme. C\u2019est vraiment un pouvoir d\u00e9moniaque en nous, car le diable est fondamentalement un menteur. Il ment \u00e0 l\u2019homme au sujet de Dieu et du monde\u00a0; il remplit la vie d\u2019obscurit\u00e9 et de n\u00e9gation. Le d\u00e9couragement est le suicide de l\u2019\u00e2me, car lorsque l\u2019homme en est poss\u00e9d\u00e9, il est absolument incapable de voir la lumi\u00e8re et de la d\u00e9sirer.<\/p>\n Aussi \u00e9trange que cela puisse para\u00eetre, c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment la paresse et le d\u00e9couragement qui emplissent notre vie du d\u00e9sir de\u00a0domination<\/em><\/strong>. En viciant enti\u00e8rement notre attitude devant la vie, et en la rendant vide et d\u00e9nu\u00e9e de tout sens, ils nous obligent \u00e0 chercher compensation dans une attitude radicalement fausse envers les autres. Si ma vie n\u2019est pas orient\u00e9e vers Dieu, ne vise pas les valeurs \u00e9ternelles, in\u00e9vitablement elle deviendra \u00e9go\u00efste et centr\u00e9e sur moi-m\u00eame, ce qui veut dire que tous les autres \u00eatres deviendront des moyens au service de ma propre satisfaction. Si Dieu n\u2019est pas le Seigneur et Ma\u00eetre de ma vie, alors je deviens mon propre seigneur et ma\u00eetre, le centre absolu de mon univers<\/strong>, et je commence \u00e0 tout \u00e9valuer en fonction de mes jugements. De cette fa\u00e7on, l\u2019esprit de domination vicie \u00e0 la base mes relations avec les autres, je cherche \u00e0 me les soumettre. Il ne s\u2019exprime pas n\u00e9cessairement dans le besoin effectif de commander ou de dominer les autres. Il peut tout aussi bien tourner \u00e0 l\u2019indiff\u00e9rence, au m\u00e9pris, au manque d\u2019int\u00e9r\u00eat, de consid\u00e9ration et de respect. C\u2019est bien la paresse et le d\u00e9couragement, mais cette fois dans leur r\u00e9f\u00e9rence aux autres\u00a0; ce qui ach\u00e8ve le suicide spirituel par un meurtre spirituel.<\/p>\n Et pour finir, les\u00a0vaines paroles<\/em><\/strong>.<\/em>\u00a0De tous les \u00eatres cr\u00e9\u00e9s, seul l\u2019homme a \u00e9t\u00e9 dot\u00e9 du don de la parole. Tous les P\u00e8res y voient le \u201d\u00a0sceau\u00a0\u201d de l\u2019image divine en l\u2019homme, car Dieu lui-m\u00eame s\u2019est r\u00e9v\u00e9l\u00e9 comme Verbe<\/strong> (Jn 1,1). Mais du fait qu\u2019il est le don supr\u00eame, le don de la parole est par l\u00e0 m\u00eame le supr\u00eame danger. Du fait qu\u2019il est l\u2019expression m\u00eame de l\u2019homme, le moyen de s\u2019accomplir lui-m\u00eame, il est, pour cette raison, l\u2019occasion de sa chute et de son autodestruction, de sa trahison et de son p\u00e9ch\u00e9. La parole sauve et la parole tue\u00a0; la parole inspire et la parole empoisonne. La parole est instrument de v\u00e9rit\u00e9 et la parole est moyen de mensonge diabolique. Ayant un extr\u00eame pouvoir positif, elle a, pourtant, un terrible pouvoir n\u00e9gatif. V\u00e9ritablement, elle cr\u00e9e, positivement ou n\u00e9gativement. D\u00e9vi\u00e9e de son origine et de ses fins divines, la parole devient\u00a0vaine<\/em>. Elle pr\u00eate main forte \u00e0 la paresse, au d\u00e9couragement, \u00e0 l\u2019esprit de domination, et transforme la vie en enfer. Elle devient la puissance m\u00eame du p\u00e9ch\u00e9.<\/p>\n Voil\u00e0 donc les quatre points n\u00e9gatifs vis\u00e9s par le repentir\u00a0; ce sont les obstacles qu\u2019il faut \u00e9liminer\u00a0; mais seul Dieu peut le faire. D\u2019o\u00f9 la premi\u00e8re partie de la pri\u00e8re de Car\u00eame\u00a0: ce cri du fond de notre impuissance humaine<\/strong>. Puis la pri\u00e8re passe aux buts positifs du repentir qui sont aussi au nombre de quatre.<\/p>\n Si l\u2019on ne r\u00e9duit pas la\u00a0chastet\u00e9<\/em>, comme on le fait souvent de fa\u00e7on erron\u00e9e, \u00e0 son acceptation sexuelle, la chastet\u00e9 peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9e comme la contrepartie positive de la paresse. La traduction exacte et compl\u00e8te du terme grec\u00a0sophrosyni<\/em>\u00a0et du russe\u00a0ts\u00e9lomoudryi\u00e9<\/em>\u00a0devrait \u00eatre : \u201d\u00a0totale int\u00e9grit\u00e9\u00a0\u201c. La paresse est avant tout dispersion, fractionnement de notre vision et de notre \u00e9nergie, incapacit\u00e9 \u00e0 voir le tout. Son contraire est alors pr\u00e9cis\u00e9ment\u00a0l\u2019int\u00e9grit\u00e9<\/em>. Si par le terme de chastet\u00e9, nous d\u00e9signons habituellement la vertu oppos\u00e9e \u00e0 la d\u00e9pravation sexuelle, c\u2019est que le caract\u00e8re bris\u00e9 de notre existence n\u2019est nulle part ailleurs plus manifeste que dans le d\u00e9sir sexuel, cette dissociation du corps d\u2019avec la vie et le contr\u00f4le de l\u2019esprit. Le Christ restaure en nous l\u2019int\u00e9grit\u00e9 et il le fait en nous redonnant la vraie \u00e9chelle des valeurs, en nous ramenant \u00e0 Dieu.<\/p>\n Le premier fruit merveilleux de cette int\u00e9grit\u00e9 ou chastet\u00e9 est\u00a0l\u2019humilit\u00e9<\/em>.<\/strong> Elle est par-dessus tout la victoire de la v\u00e9rit\u00e9 en nous, l\u2019\u00e9limination de tous les mensonges dans lesquels nous vivons habituellement. Seule l\u2019humilit\u00e9 est capable de v\u00e9rit\u00e9, capable de voir et d\u2019accepter les choses comme elles sont et donc de voir Dieu, sa majest\u00e9, sa bont\u00e9 et son amour en tout. C\u2019est pourquoi il nous est dit que Dieu\u00a0fait gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019humble et r\u00e9siste au superbe<\/em>\u00a0(Pr 3,34\u00a0; Jc 4,6\u00a0; 1P 5,6).<\/em><\/p>\n La chastet\u00e9 et l\u2019humilit\u00e9 sont naturellement suivies de la\u00a0patience<\/em><\/strong>. L\u2019homme \u201d\u00a0naturel\u00a0\u201d ou \u201d\u00a0d\u00e9chu\u00a0\u201d est impatient parce que, aveugle sur lui-m\u00eame, il est prompt \u00e0 juger et \u00e0 condamner les autres. N\u2019ayant qu\u2019une vision fragmentaire, incompl\u00e8te et fauss\u00e9e de toutes choses, il juge tout \u00e0 partir de ses id\u00e9es et de ses go\u00fbts. Indiff\u00e9rents \u00e0 tous, sauf \u00e0 lui-m\u00eame, il veut que la vie r\u00e9ussisse ici-m\u00eame et d\u00e8s maintenant. La patience, d\u2019ailleurs, est une vertu v\u00e9ritablement divine. Dieu est patient non pas parce qu\u2019il est \u201d\u00a0indulgent\u00a0\u201c, mais parce qu\u2019il voit la profondeur de tout ce qui existe, parce que la r\u00e9alit\u00e9 interne des choses que, dans notre aveuglement, nous ne voyons pas, est \u00e0 nu devant lui. Plus nous nous approchons de Dieu, plus nous devenons patients pour tous les \u00eatres, qui est la qualit\u00e9 propre de Dieu.<\/p>\n Et enfin, la couronne et le fruit de toutes les vertus, de toute croissance et de tout effort, est la\u00a0charit\u00e9<\/em>, cet amour qui ne peut \u00eatre donn\u00e9 que par Dieu, ce don qui est le but de tout effort spirituel, de toute pr\u00e9paration et de toute asc\u00e8se.<\/strong><\/p>\n Tout ceci se trouve r\u00e9sum\u00e9 et rassembl\u00e9 dans la demande qui conclut la pri\u00e8re de Car\u00eame et dans laquelle nous demandons \u201d\u00a0de voir mes fautes et de ne pas juger mon fr\u00e8re\u00a0\u201c. Car, finalement, il n\u2019y a qu\u2019un danger\u00a0: celui de\u00a0l\u2019orgueil<\/em>. L\u2019orgueil est la source du mal et tout mal est orgueil. Pourtant, il ne me suffit pas de voir mes propres fautes, car m\u00eame cette apparente vertu peut tourner en orgueil. Les \u00e9crits spirituels sont remplis d\u2019avertissements contre les formes subtiles d\u2019une pseudo-pi\u00e9t\u00e9 qui, en r\u00e9alit\u00e9, sous couvert d\u2019humilit\u00e9 et d\u2019auto-accusation, peut conduire \u00e0 un orgueil vraiment diabolique. Mais quand nous \u201d\u00a0voyons nos fautes\u00a0\u201d et \u201d\u00a0ne jugeons pas nos fr\u00e8res\u00a0\u201c, quand, en d\u2019autres termes, chastet\u00e9, humilit\u00e9, patience et amour ne sont plus qu\u2019une m\u00eame chose en nous, alors et alors seulement, le dernier ennemi \u2013 l\u2019orgueil \u2013 est d\u00e9truit en nous.<\/p>\n Apr\u00e8s chaque demande de la pri\u00e8re, on se prosterne. Ce geste n\u2019est pas limit\u00e9 \u00e0 la pri\u00e8re de saint \u00c9phrem, mais constitue une des caract\u00e9ristiques de toute la pri\u00e8re liturgique quadrag\u00e9simale. Ici, cependant, sa signification appara\u00eet au mieux. Dans le long et difficile effort de recouvrement spirituel, l\u2019\u00c9glise ne s\u00e9pare pas l\u2019\u00e2me du corps. L\u2019homme tout entier, dans sa chute, s\u2019est d\u00e9tourn\u00e9 de Dieu\u00a0; l\u2019homme tout entier devra \u00eatre restaur\u00e9\u00a0; c\u2019est tout l\u2019homme qui doit revenir \u00e0 Dieu.<\/strong> La catastrophe du p\u00e9ch\u00e9 r\u00e9side pr\u00e9cis\u00e9ment dans la victoire de la chair \u2013 l\u2019animal, l\u2019irrationnel, la passion en nous, \u2013 sur le spirituel et le divin. Mais le corps est glorieux, le corps est saint, si saint que Dieu lui-m\u00eame\u00a0s\u2019est fait chair<\/em>\u00a0(Jn 1,14). Le salut et le repentir ne sont donc pas m\u00e9pris ou n\u00e9gligence du corps, mais restauration de celui-ci dans sa vraie fonction en tant qu\u2019expression de la vie de l\u2019esprit, en tant que temple de l\u2019\u00e2me humaine qui n\u2019a pas de prix. L\u2019asc\u00e9tisme chr\u00e9tien est une lutte, non pas\u00a0contre<\/em>\u00a0le corps mais\u00a0pour<\/em>\u00a0le corps. Pour cette raison, tout l\u2019homme \u2013 corps, \u00e2me et esprit \u2013 se repent. Le corps participe \u00e0 la pri\u00e8re de l\u2019\u00e2me, de m\u00eame que l\u2019\u00e2me prie par et dans le corps. Les prosternations, signes psychosomatiques du repentir et de l\u2019humilit\u00e9, de l\u2019adoration et de l\u2019ob\u00e9issance, sont donc le rite quadrag\u00e9simal par excellence.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Pourquoi cette courte et si simple pri\u00e8re occupe-t-elle une place aussi importante dans la pri\u00e8re liturgique du Car\u00eame\u00a0?<\/p>\n","protected":false},"author":361,"featured_media":8903,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","ctc_sermon_book":[],"ctc_sermon_series":[],"ctc_sermon_speaker":[460],"ctc_sermon_tag":[],"class_list":["post-8894","ctc_sermon","type-ctc_sermon","status-publish","has-post-thumbnail","hentry","ctc_sermon_topic-articles-dactualite","ctc_sermon_speaker-alexandre-schmemann","ctfw-has-image"],"yoast_head":"\n
\nNe m\u2019abandonne pas \u00e0 l\u2019esprit de paresse, de d\u00e9couragement et de vain bavardage!<\/em><\/strong>
\nMais fais-moi la gr\u00e2ce, \u00e0 moi, ton serviteur, de l\u2019esprit de chastet\u00e9, d\u2019humilit\u00e9, de patience et de charit\u00e9.<\/em><\/strong>
\nOui, Seigneur-Roi, accorde-moi de voir mes fautes, et de ne pas condamner mon fr\u00e8re,<\/em><\/strong>
\n\u00f4 toi qui es b\u00e9ni dans les si\u00e8cles des si\u00e8cles.<\/em><\/strong>
\nAmen.<\/em><\/strong><\/p>\n