{"id":9009,"date":"2021-03-09T21:57:59","date_gmt":"2021-03-09T20:57:59","guid":{"rendered":"https:\/\/ecclesiola.fr\/?post_type=ctc_sermon&p=9009"},"modified":"2021-03-09T21:57:59","modified_gmt":"2021-03-09T20:57:59","slug":"la-priere-de-saint-ephrem-1ere-partie-olivier-clement","status":"publish","type":"ctc_sermon","link":"https:\/\/ecclesiola.fr\/multimedia\/la-priere-de-saint-ephrem-1ere-partie-olivier-clement\/","title":{"rendered":"Commentaire de la pri\u00e8re de saint Ephrem 1\u00e8re partie – Olivier Cl\u00e9ment"},"content":{"rendered":"

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\n

Seigneur et ma\u00eetre de ma vie,
\n<\/em><\/strong>Eloigne de moi l\u2019esprit de paresse, d\u2019abattement, de domination, de vaines paroles\u00a0;
\n<\/em><\/strong>Accorde-moi, \u00e0 moi ton serviteur,
\n<\/em><\/strong>Un esprit de chastet\u00e9, d\u2019humilit\u00e9, de patience et d\u2019amour\u00a0;
\n<\/em><\/strong>Oui, Seigneur Roi, donne-moi de voir mes p\u00e9ch\u00e9s et de ne pas juger mon fr\u00e8re,
\n<\/em><\/strong>Car tu es b\u00e9ni dans les si\u00e8cles des si\u00e8cles, amen.<\/em><\/strong><\/p>\n

Cette pri\u00e8re, due \u00e0 saint Ephrem le Syrien (306 env.-373), ponctue les offices de Car\u00eame. On la r\u00e9p\u00e8te trois fois, en faisant trois grandes \u00ab\u00a0m\u00e9tanies\u00a0\u00bb qui sont des prosternations front contre terre. M\u00e9tanie (m\u00e9tano\u00efa) d\u00e9signe justement la p\u00e9nitence comme retournement de toute notre saisie du r\u00e9el.<\/p>\n

Seigneur et ma\u00eetre de ma vie<\/em><\/strong><\/p>\n

\u00ab\u00a0Seigneur\u00a0\u00bb sugg\u00e8re le myst\u00e8re inaccessible du \u00ab\u00a0Dieu au-del\u00e0 de Dieu\u00a0\u00bb, hypertheos<\/em>. Ce Dieu pourtant ne m\u2019est pas \u00e9tranger, il me fait exister par sa volont\u00e9, il anime ma boue et son Souffle, il m\u2019appelle et sollicite ma r\u00e9ponse, il devient par son incarnation le \u00ab\u00a0ma\u00eetre de ma vie\u00a0\u00bb. C\u2019est lui qui donne sens \u00e0 ma vie, m\u00eame et surtout quand ce sens m\u2019\u00e9chappe. \u00ab\u00a0Ma\u00eetre\u00a0\u00bb ici, tout en soulignant la transcendance, ne signifie pas tyran mais P\u00e8re sacrificiel et lib\u00e9rateur qui veut m\u2019adopter dans son Fils et respecte infiniment ma libert\u00e9. Son Fils incarn\u00e9, en qui il est enti\u00e8rement pr\u00e9sent, nait dans une \u00e9table, se laisse assassiner par notre libert\u00e9 cruelle, ressuscite mais ne se r\u00e9v\u00e8le qu\u2019\u00e0 ceux qui l\u2019aiment. Or ce \u00ab\u00a0ma\u00eetre\u00a0\u00bb crucifi\u00e9 reste le Ma\u00eetre de la Vie. Luis seul peut lib\u00e9rer notre libert\u00e9, lui seul peut transfigurer dans son Souffle vivifiant l\u2019obscure passion de nos vies. La grandeur de ce Roi est de se faire notre serviteur. \u00ab\u00a0Je suis parmi vous comme celui qui sert.\u00a0\u00bb<\/p>\n

Ma relation \u00e0 ce Ma\u00eetre n\u2019est donc pas de servitude mais de libre confiance. Il est le \u00ab\u00a0ma\u00eetre de ma vie\u00a0\u00bb parce qu\u2019il en est la source, parce que je ne cesse de la recevoir de lui, parce qu\u2019il est celui qui donne et qui par-donne, c\u2019est-\u00e0-dire donne encore, en surabondance, un avenir renouvel\u00e9\u00a0: \u00ab\u00a0Va et ne p\u00e8che plus.\u00a0\u00bb Je n\u2019existe que par cet amour infiniment discret qui m\u2019\u00e9l\u00e8ve au-del\u00e0 de tout conditionnement, de toute n\u00e9cessit\u00e9, qui se fait serviteur pour que ceux qui se veulent ses serviteurs deviennent ses amis. L\u2019asc\u00e8se que le car\u00eame accentue ne peut \u00eatre de lib\u00e9ration vraie que dans le mouvement de la foi. Et la foi, c\u2019est d\u2019abord le risque de la confiance. En toi, ma\u00eetre de la vie qui se r\u00e9v\u00e8le dans un Visage, je mets toute ma confiance. En ta parole, en ta pr\u00e9sence car tu n\u2019es pas seulement un exemple, tu es le non-s\u00e9par\u00e9 qui te fais notre lieu, un lieu de non-mort\u00a0: \u00ab\u00a0Venez \u00e0 moi vous tous qui \u00eates charg\u00e9s et fatigu\u00e9s et je vous donnerai du repos.\u00a0\u00bb Se reposer, se poser doublement, dans le divin et dans l\u2019humain. Un lieu, pour nous orphelins de la terre natale, des sages coutumes, des civilisations certes \u00e2pres et dures mais de silence et de lenteur, pour nous nomades sans po\u00e9sie des m\u00e9gapoles, tu es le lieu de la vie, son ma\u00eetre. En ce lieu, nous creuserons les catacombes d\u2019o\u00f9 germeront es cath\u00e9drales de l\u2019avenir.<\/p>\n

Eloigne de moi l\u2019esprit de paresse, d\u2019abattement, de domination, de vaines paroles<\/strong><\/p>\n

Il y a un chemin. Tu es le chemin. Mais sur ce chemin des obstacles qui d\u00e9finissent notre condition fondamentale de p\u00e9ch\u00e9, celle que J\u00e9sus a rappel\u00e9e \u00e0 ceux qui voulaient lapider la femme adult\u00e8re.<\/p>\n

La \u00ab\u00a0paresse\u00a0\u00bb n\u2019est pas la clinophilie d\u2019Oblomov, voire de nos matins de vacances. La paresse signifie l\u2019oubli, dont les asc\u00e8tes disent qu\u2019il est le \u00ab\u00a0g\u00e9ant du p\u00e9ch\u00e9\u00a0\u00bb. L\u2019oubli, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019incapacit\u00e9 \u00e0 s\u2019\u00e9tonner et \u00e0 s\u2019\u00e9merveiller, \u00e0 voir. Le non-\u00e9veil, une esp\u00e8ce de somnambulisme, celui de l\u2019agitation, comme celui de l\u2019inertie. Pas d\u2019autre crit\u00e8re que l\u2019utilit\u00e9, la rentabilit\u00e9, le rapport qualit\u00e9-prix. Le bruit int\u00e9rieur et ext\u00e9rieur, pour les uns l\u2019agenda trop rempli o\u00f9 chaque moment engr\u00e8ne sur un autre, pour d\u2019autres l\u2019agenda trop vide, la violence et les drogues molles ou dures. Ne plus savoir que l\u2019autre existe aussi int\u00e9rieurement que moi-m\u00eame, ne jamais s\u2019arr\u00eater pour rien, dans le saisissement d\u2019une musique ou d\u2019une rose, ne plus rendre gr\u00e2ce \u2013 puisque tout m\u2019est d\u00fb. Ignorer que tout s\u2019enracine dans le myst\u00e8re et que le myst\u00e8re m\u2019habite. Oublier Dieu et la cr\u00e9ation de Dieu. Ne plus savoir s\u2019accepter comme une cr\u00e9ature au destin infini. Oublier la mort et le sens possible au-del\u00e0 d\u2019elle\u00a0: une n\u00e9vrose spirituelle qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec la sexualit\u00e9 – laquelle devient alors le moyen de l\u2019oubli – mais avec le refoulement de la \u00ab\u00a0lumi\u00e8re de la vie\u00a0\u00bb qui donne sens \u00e0 l\u2019autre, au moindre grain de poussi\u00e8re, \u00e0 moi-m\u00eame.<\/p>\n

Cet oubli, devenu collectif, ouvre les chemins de l\u2019horreur. Nous nous disons alors que Dieu n\u2019existe pas, la n\u00e9vrose s\u2019accentue, les anges pervers du n\u00e9ant envahissent la sc\u00e8ne de l\u2019histoire. Seigneur et ma\u00eetre de ma vie, \u00e9veille-moi.<\/p>\n

Cette \u00ab\u00a0paresse\u00a0\u00bb, cette anesth\u00e9sie de tout l\u2019\u00eatre, insensibilit\u00e9, fermeture du c\u0153ur profond, exasp\u00e9ration du sexe et de l\u2019intellect, conduit \u00e0 l\u2019\u00ab\u00a0abattement\u00a0\u00bb, \u00e0 ce que les asc\u00e8tes nomment l\u2019\u00ab\u00a0asc\u00e9die\u00a0\u00bb – d\u00e9gout de vivre, d\u00e9sesp\u00e9rance. A quoi bon rien\u00a0? fascination du suicide, universelle d\u00e9rision. Je suis revenu de tout, tout m\u2019est \u00e9gal, me voici cynique ou engourdi. Tr\u00e8s vieux, et sans esprit d\u2019enfance.<\/p>\n

On peut aussi prendre ses jambes \u00e0 son cou, fuir dans l\u2019esprit de \u00ab\u00a0domination\u00a0\u00bb et celui des \u00ab\u00a0vaines paroles. On a besoin d\u2019esclaves et d\u2019ennemis, on les invente, on peut m\u00eame les sacraliser comme l\u2019a montr\u00e9 Ren\u00e9 Girard. Dominer, c\u2019est se sentir dieu, avoir des ennemis, c\u2019est les rendre responsables de son angoisse. Torturer l\u2019autre \u2013 puisque c\u2019est toujours sa faute -, violer son corps et peut-\u00eatre violer son \u00e2me, le tenir \u00e0 merci, \u00e0 la limite de l\u2019an\u00e9antissement, mais sans le laisser \u00e9chapper dans la mort -, c\u2019est faire l\u2019exp\u00e9rience d\u2019une sorte de toute puissance, quasi divine. En lui, je me hais mortel. Le pi\u00e9tinant, je pi\u00e9tine ma propre mort. Nous avons connu les rois-dieux et les tyrans divinis\u00e9s. Tout exercice de la puissance s\u2019aur\u00e9ole d\u2019une sacralit\u00e9 \u00e0 laquelle les natures \u00ab\u00a0f\u00e9mellines\u00a0\u00bb, comme disait Proudhon, sont particuli\u00e8rement sensibles.<\/p>\n

C\u2019est pourquoi les premiers chr\u00e9tiens, au prix de leur vie, refusaient de dire que c\u00e9sar est seigneur. Seul Dieu est Seigneur. D\u2019autres chr\u00e9tiens, en notre si\u00e8cle, ont refus\u00e9 d\u2019adorer la race, ou la classe, et pay\u00e9 le prix . En rappelant qu\u2019il faut rendre \u00e0 Dieu ce qui est \u00e0 Dieu et \u00e0 C\u00e9sar ce qui est \u00e0 C\u00e9sar, le Christ a exorcis\u00e9 la sacralit\u00e9 de la domination. Pendant des si\u00e8cles, les chr\u00e9tiens ne l\u2019ont pas toujours fait. Ils ont sanctifi\u00e9 un empereur qui avait tu\u00e9 son fils et sa femme, parce qu\u2019ils croyaient qu\u2019il avait mis la domination au service de Dieu. Esp\u00e9rance, parfois r\u00e9alis\u00e9e, d\u2019une puissance qui devient service. Couteuse illusion le plus souvent.
\nEt l\u2019Eglise m\u00eame\u00a0: combien contamin\u00e9e par l\u2019esprit de domination\u00a0?<\/p>\n

Quant aux \u00ab\u00a0vaines paroles\u00a0\u00bb, – l\u2019expression est \u00e9vang\u00e9lique -, elles d\u00e9signent tout exercice de la pens\u00e9e et de l\u2019imagination qui se retranche du silence, de l\u2019\u00e9merveillement et de l\u2019angoisse d\u2019\u00eatre, du myst\u00e8re. Elles concernent toute approche de l\u2019homme qui pr\u00e9tend l\u2019expliquer, le r\u00e9duire, en ignorant en lui l\u2019inexplicable et l\u2019irr\u00e9ductible. Toute approche de la cr\u00e9ation qui m\u00e9prise ses rythmes et sa beaut\u00e9. Saisie et non saisissement. Fantasmes d\u2019un art qui ne veut plus \u00eatre nuptial.<\/p>\n

Nous sommes dans une civilisation de \u00ab vaines paroles \u00bb, de vaines images, o\u00f9 les besoins, hypertrophi\u00e9s, piratent le d\u00e9sir, o\u00f9 l\u2019argent p\u00e9trit les r\u00eaves, o\u00f9 la publicit\u00e9 devient l\u2019inverse de l\u2019asc\u00e8se, cette r\u00e9duction volontaire des besoins pour le partage et la lib\u00e9ration du d\u00e9sir. Pour autant en attente d\u2019une parole de vie, pesant son poids de silence et de mort d\u00e9masqu\u00e9e, une parole de r\u00e9surrection.<\/p>\n

<\/a><\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Cette pri\u00e8re, due \u00e0 saint Ephrem le Syrien (306 env.-373), ponctue les offices de Car\u00eame. On la r\u00e9p\u00e8te trois fois, en faisant trois grandes \u00ab\u00a0m\u00e9tanies\u00a0\u00bb qui sont des prosternations front contre terre. M\u00e9tanie (m\u00e9tano\u00efa) d\u00e9signe justement la p\u00e9nitence comme retournement de toute notre saisie du r\u00e9el.<\/p>\n","protected":false},"author":361,"featured_media":9011,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","ctc_sermon_book":[],"ctc_sermon_series":[],"ctc_sermon_speaker":[463],"ctc_sermon_tag":[],"yoast_head":"\nCommentaire de la pri\u00e8re de saint Ephrem 1\u00e8re partie - Olivier Cl\u00e9ment<\/title>\n<meta name=\"description\" content=\"Cette pri\u00e8re, due \u00e0 saint Ephrem le Syrien (306 env.-373), ponctue les offices de Car\u00eame. On la r\u00e9p\u00e8te trois fois, en faisant trois grandes \u00ab\u00a0m\u00e9tanies\u00a0\u00bb qui sont des prosternations front contre terre. 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