\n
La r\u00e9surrection : nous trouvons une expression quasi originelle de l\u2019\u00e9v\u00e8nement dans les br\u00e8ves confessions de foi que Paul ins\u00e8re dans ses lettres, surtout dans sa premi\u00e8re lettre aux Corinthiens (15, 3-5) : \u00ab Je vous ai transmis ce que j\u2019ai moi-m\u00eame re\u00e7u : Christ [ \u2026 ] a \u00e9t\u00e9 mis au tombeau, il est ressuscit\u00e9 le troisi\u00e8me jour [ \u2026 ], il est apparu \u00e0 C\u00e9phas puis aux douze. Ensuite il est apparu \u00e0 plus de cinq cents fr\u00e8res \u00e0 la fois \u2013 la plupart vivent encore, quelques-uns se sont endormis. Ensuite il est apparu \u00e0 Jacques, puis \u00e0 tous les ap\u00f4tres\u2026 \u00bb<\/p>\n
Simultan\u00e9ment, on trouve dans les m\u00eames lettres et dans la premi\u00e8re de Pierre les citations d\u2019hymnes non moins anciennes qui exaltent le sens de la r\u00e9surrection comme transfiguration germinative du monde\u00a0: \u00ab\u00a0Il est mort, qu\u2019est-ce \u00e0 dire sinon qu\u2019il est aussi descendu dans les r\u00e9gions inf\u00e9rieures [les \u00e9tats infernaux de l\u2019existence universelle] [ \u2026 ]. Et Celui qui est descendu, c\u2019est le m\u00eame qui est mont\u00e9 au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses\u00a0\u00bb (Ep 4, 8-10). A la fois donc l\u2019\u00ab\u00a0Agneau immol\u00e9\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0Celui qui tient les \u00e9toiles dans sa main droite\u00a0\u00bb, comme dit l\u2019Apocalypse (2, 1), Celui en qui tout subsiste et qui, incarn\u00e9, mis \u00e0 mort, ressuscit\u00e9, remplit tout de sa lumi\u00e8re, la \u00ab\u00a0lumi\u00e8re de la vie\u00a0\u00bb, dit saint Jean (8, 12).<\/p>\n
Sur la r\u00e9surrection de J\u00e9sus, l\u2019Ecriture a multipli\u00e9 sans chercher \u00e0 rien coordonner, les constats d\u2019une absence-pr\u00e9sence qui d\u00e9fie notre intelligence adapt\u00e9e \u00e0 la mort.<\/strong> La Vie \u00e9blouit, ses \u00e9clairs sont multiples. Je ne chercherai pas \u00e0 discuter sur le tombeau vide \u2013 le monde si longtemps scell\u00e9 par la mort est d\u00e9sormais un tombeau vide \u2013 ni sur tant d\u2019attestations. Connait-on une symphonie en analysant l\u2019encre et le papier par laquelle et sur lequel elle est imprim\u00e9e\u00a0? Ne vaut-il pas mieux pr\u00eater l\u2019oreille \u00e0 la musique\u00a0? Les sourds sont-ils les meilleurs critiques musicaux, et ceux qui nient d\u2019embl\u00e9e le myst\u00e8re les plus capables d\u2019en d\u00e9celer les traces\u00a0? Je pr\u00e9f\u00e8re cet immense po\u00e8te anonyme de la fin du 1er<\/sup> si\u00e8cle qui faisait parler ainsi le Ressuscit\u00e9, dans un langage qu\u2019ont repris les liturgies\u00a0:<\/p>\n\u00ab\u00a0J\u2019ai ouvert les portes cadenass\u00e9es,
\n\u2026 plus rien n\u2019a \u00e9t\u00e9 ferm\u00e9
\nparce que je suis la porte de tous les \u00eatres.
\nJe suis all\u00e9 d\u00e9livrer les prisonniers, ils sont \u00e0 moi
\net je n\u2019abandonne personne.\u00a0\u00bb
\n(Odes de Salomon<\/em>, 17)<\/p>\nLe Christ, Dieu incarn\u00e9 \u2013 \u00ab\u00a0le verbe s\u2019est fait chair\u00a0\u00bb – a partag\u00e9 jusqu\u2019au bout, partage aujourd\u2019hui encore notre condition. Nous morcelons l\u2019humanit\u00e9 en individualit\u00e9s closes, qui se ha\u00efssent ou se confondent. Eclatement qui se prolonge et s\u2019\u00e9largit dans les haines collectives. Nous disons que nous sommes des personnes\u00a0: mais par nous-m\u00eames nous restons des avortons\u00a0! Le Christ, par contre, est une personne parfaite puisqu\u2019il est une personne divine, \u00ab\u00a0l\u2019un de la sainte Trinit\u00e9\u00a0\u00bb. Certes, il s\u2019agit bien d\u2019un individu concret dont l\u2019art peut sugg\u00e9rer le visage. Mais, comme il est \u00ab\u00a0amour sans limites\u00a0\u00bb, il n\u2019est s\u00e9par\u00e9 de rien, d\u2019aucun de nous, du commencement \u00e0 la fin de l\u2019histoire\u00a0: \u00ab\u00a0homme-maximum\u00a0\u00bb, il porte en lui toute l\u2019humanit\u00e9. Il meurt avec nous, nous ressuscitons avec lui.<\/strong><\/p>\nLa r\u00e9surrection ne signifie pas la r\u00e9animation d\u2019un cadavre, un mort revenant \u00e0 la vie dans les conditions o\u00f9 il se trouvait avant de mourir. La r\u00e9surrection du Christ bouleverse radicalement ces conditions. Certes, le ressuscit\u00e9 est bien r\u00e9el, il se laisse toucher par Thomas, il partage la nourriture avec ses disciples et pourtant il est diff\u00e9rent, \u00ab\u00a0sous une autre forme\u00a0\u00bb, dit la finale de Marc, de sorte que Marie de Magdala le prend pour le jardinier, et les p\u00e8lerins d\u2019Emma\u00fcs pour un voyageur mal inform\u00e9. Il \u00e9chappe \u00e0 l\u2019espace et au temps qui s\u00e9parent, il les transforme en moyens de rencontre, en chemin de communion. En lui le divin et l\u2019humain s\u2019unissent d\u00e9finitivement, l\u2019humain trouve ainsi son accomplissement et cette humanit\u00e9 transfigur\u00e9e, d\u00e9ifi\u00e9e, p\u00e9n\u00e8tre d\u00e9sormais, \u00ab\u00a0travaille\u00a0\u00bb d\u00e9sormais les profondeurs de l\u2019histoire<\/strong>, comme on dit d\u2019une femme qu\u2019elle est\u00a0\u00ab\u00a0en travail\u00a0\u00bb – et c\u2019est la Femme \u00e0 la fois pers\u00e9cut\u00e9e et \u00ab\u00a0v\u00eatue de soleil\u00a0\u00bb dont parle l\u2019Apocalypse dans son douzi\u00e8me chapitre. \u00ab\u00a0Comme le fer, mis en contact avec le feu, prend la couleur de celui-ci, de m\u00eame la chair [c\u2019est-\u00e0-dire la cr\u00e9ation], apr\u00e8s avoir re\u00e7u en elle le verbe d\u00e9ifiant, est lib\u00e9r\u00e9e de la corruption. Ainsi [le Christ] a rev\u00eatu notre chair pour la lib\u00e9rer de la mort\u00a0\u00bb (Cyrille d\u2019Alexandrie, Hom\u00e9lie sur Luc<\/em>, V, 19).<\/p>\nMais alors, pourquoi la r\u00e9surrection reste-t-elle comme secr\u00e8te\u00a0? Par respect pour notre libert\u00e9. Le ressuscit\u00e9 ne s\u2019impose pas.<\/strong> Il ne se montre pas aux puissants de ce monde, il se r\u00e9v\u00e8le seulement \u00e0 ceux qui l\u2019accueillent dans la foi et l\u2019amour. Ce n\u2019est pas la r\u00e9surrection qui provoque la foi, c\u2019est la foi qui permet \u00e0 la r\u00e9surrection de se manifester. J\u00e9sus nous appelle doucement, comme il appela Marie la Magdal\u00e9enne\u00a0: alors seulement, \u00ab\u00a0elle se retourna\u00a0\u00bb, son c\u0153ur se retourna \u2013 le reconnut. Et c\u2019est au moment o\u00f9 il rompt le pain, dans une auberge de hasard, que les p\u00e8lerins d\u2019Emma\u00fcs le reconnaissent \u2013 et qu\u2019il disparait, d\u00e9sormais pr\u00e9sent dans l\u2019eucharistie, dans l\u2019esprit, dans les \u00ab\u00a0myst\u00e8res\u00a0\u00bb de l\u2019Eglise.<\/p>\nDans l\u2019Eglise en effet, son humanit\u00e9, qui est la n\u00f4tre, son humanit\u00e9 \u00e0 la fois crucifi\u00e9e et glorifi\u00e9e devient pour nous la source de la Vie. Et certes, la mort r\u00e8gne toujours, et tout nous rappelle sa pr\u00e9sence\u00a0: la s\u00e9paration, la tristesse, la disparition de ceux que nous aimons, les trag\u00e9dies si souvent atroces de l\u2019histoire, la haine de soi, des autres. Mais toutes ces situations, si nous les traversons dans la confiance au Ressuscit\u00e9, si nous acceptons de nous recevoir de lui, peuvent devenir des chemins de R\u00e9surrection. Le christ est ressuscit\u00e9, la mort spirituelle est vaincue, la mort n\u2019est plus que le voile d\u00e9chir\u00e9 de l\u2019amour. Alors, au fond de nous, l\u2019angoisse devient confiance, nous n\u2019avons plus besoin d\u2019esclaves ni d\u2019ennemis. On croyait qu\u2019il n\u2019y avait pas d\u2019issue, mais il est l\u00e0, lui, notre ami, notre lieu \u2013 \u00ab\u00a0venez \u00e0 moi vous tous qui \u00eates charg\u00e9s et fatigu\u00e9s, et je vous donnerai du repos\u00a0\u00bb – et sa pr\u00e9sence est une ouverture de lumi\u00e8re. \u00ab\u00a0Hier, j\u2019\u00e9tais enseveli avec toi, \u00f4 Christ, disent les matines pascales. Aujourd\u2019hui je me r\u00e9veille avec toi, \u00f4 Ressuscit\u00e9.\u00a0\u00bb Oui, nous nous r\u00e9veillons comme des enfants, comme des convalescents, dans la lumi\u00e8re de P\u00e2ques \u2013 et c\u2019est le premier matin du monde, un amandier fleurit parmi les ruines, Dieu nous re-donne la vie, nous par-donne. \u00ab\u00a0Personne ne t\u2019a condamn\u00e9e\u00a0? demande J\u00e9sus \u00e0 la femme adult\u00e8re. Moi non plus je ne te condamne pas. Va, et ne p\u00eache plus.\u00a0\u00bb<\/p>\n
En retournant \u00e0 son P\u00e8re lors de l\u2019Ascension, le Christ ach\u00e8ve de nous rendre libres, il nous permet de recevoir l\u2019Esprit, la \u00ab\u00a0nouveaut\u00e9 de l\u2019Esprit\u00a0\u00bb, il ouvre \u00e0 notre responsabilit\u00e9 le chantier de l\u2019histoire\u00a0: jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il revienne. Dans ce sillage de libert\u00e9 cr\u00e9atrice, nous sommes appel\u00e9s \u00e0 briser le cercle du n\u00e9ant, \u00e0 entrainer tous les hommes et le cosmos entier dans un dynamisme de r\u00e9surrection.<\/p>\n
Oui, Christ est ressuscit\u00e9. Et tous, et tout, sont d\u00e9sormais vivants \u2013 \u00e0 jamais.<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
… \u00ab\u00a0Hier, j\u2019\u00e9tais enseveli avec toi, \u00f4 Christ, disent les matines pascales. Aujourd\u2019hui je me r\u00e9veille avec toi, \u00f4 Ressuscit\u00e9.\u00a0\u00bb Oui, nous nous r\u00e9veillons comme des enfants, comme des convalescents, dans la lumi\u00e8re de P\u00e2ques \u2013 et c\u2019est le premier matin du monde, un amandier fleurit parmi les ruines, Dieu nous re-donne la vie, nous par-donne…<\/p>\n","protected":false},"author":361,"featured_media":9011,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","ctc_sermon_book":[],"ctc_sermon_series":[354],"ctc_sermon_speaker":[463],"ctc_sermon_tag":[],"class_list":["post-9536","ctc_sermon","type-ctc_sermon","status-publish","has-post-thumbnail","hentry","ctc_sermon_topic-articles-dactualite","ctc_sermon_series-temps-pascal","ctc_sermon_speaker-olivier-clement","ctfw-has-image"],"yoast_head":"\n
P\u00e2ques : Christ est ressuscit\u00e9 !<\/title>\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\t\n\t\n\t\n\n\n\t\n