Guérison de l’aveugle-né
A l’heure où nous sommes confinés pour nous protéger les uns les autres du Coronavirus, la méditation de l’évangile de St Jean nous racontant la guérison de l’aveugle-né a quelque chose d’inédit.
Dès que nous sommes confrontés à un mal difficile à expliquer et qui nous semble totalement injuste, nous sommes enclins à chercher un coupable :
« Est-ce lui qui a péché ou bien ses parents ? » (Jn 9,3)
Jésus nous invite, en premier lieu, à nous débarrasser de ces vieilles questions archaïques ; la recherche d’une logique de culpabilité est vaine et conduit à une impasse spirituelle. Il propose plutôt de déplacer notre questionnement en nous invitant à discerner ce qui peut nous être manifesté de la « gloire de Dieu » à travers cette énigme du mal et de la maladie. Il veut faire « la lumière » sur nos façons de parler de Dieu, de sa bienveillance pour l’humanité, et ainsi nous guérir nous-même de tous nos aveuglements.
Il est plus facile à Jésus de guérir l’aveugle né que de faire sortir des ténèbres de la polémique ses contradicteurs.
Pour guérir l’aveugle né, Jésus prend de la salive et de la terre pour en faire de la boue. La salive est un symbole important en lien avec la Parole, le Verbe. Pour certains peuples, cracher, c’est engager sa parole, et la façon de le faire peut être une alliance ou une insulte. Dans l’évangile, Jésus mêle sa salive à la terre…, c’est comme s’il refaisait le geste du créateur avec Adam, le terreux, à qui il a donné son souffle, sa respiration.
Pour chacun d’entre nous, c’est d’abord une invitation : si tu veux y voir clair dans ta vie, si tu veux apprendre à discerner, laisse-toi faire par la Parole de Dieu, et laisse-la rejoindre le concret de tes préoccupations terrestres. Laisse le Verbe de Dieu prendre chair de la poussière de ton existence, laisse le sécréter en ta bouche une salive qui te redonne le goût de sa Présence pour t’enseigner à revivre en Alliance avec lui.
Nous sommes tous des aveugles nés, et nous avons besoin de croître en discernement pour réaliser que notre guérison dépend autant de notre confiance en Dieu que de la manière dont nous nous prenons nous-même en main (l’aveugle de l’évangile va tout seul jusqu’à la piscine de Siloé). En effet, discerner, guérir, c’est aussi obéir à la mission personnelle que le Christ nous donne:
« Va te laver à la piscine de Siloé » (Jn 9, 11)
Cette injonction nous rappelle notre baptême, notre besoin de conversion permanente, la nécessité de pratiquer des rites en lien avec une tradition communautaire. Cette piscine s’appelle « Siloé » qui signifie « envoyé » : une façon de nous redire qu’obéir au Christ, c’est devenir disciples, missionnaires de sa bonne nouvelle, une bonne nouvelle qui est lumineuse, rayonnante, chaleureuse, créatrice de liens. Elle n’est pas une apologétique, une série d’arguties dogmatiques, un acharnement prosélyte, comme semble le croire dans cette page d’évangile, les témoins de la guérison de l’aveugle né.
Se laisser guérir par le Christ, c’est consentir à le laisser prendre en main nos existences avec toutes leurs infirmités et leurs difficultés à tout comprendre. Se laisser guérir par le Christ, c’est reprendre le chemin de la foi qui progressivement nous permet de le reconnaître comme notre Sauveur, notre Dieu, la Vie de notre vie, la Lumière qui éclaire notre route.
Montons ensemble vers le temps de la Pâque, et faisons de nos confinements ce que Ste Thérèse de l’Enfant Jésus faisait de son carmel : un espace intime de cœur à cœur avec le Seigneur, pour retrouver dans les gestes les plus ordinaires et dans la banalité du quotidien, l’occasion d’être l’Amour au cœur de l’Eglise, un amour capable, même quand il est confiné, de rejoindre les extrémités de la terre. Avec elle, avec l’aveugle né, redisons au Seigneur Jésus : « Je crois »
Memento pour le déroulement de votre Lectio Divina.