Ma colombe, ma tourterelle, ma caille ou mon petit poulet ou À quoi sert l’homélie ?
Exode 24,3-8 – Psaume 115,12-13.15-18 – Hébreux 9,11-15 – Marc 14,12-16.22-26
dimanche 2 juin 2024, par Marc Lambret
Les noms d’oiseaux ne sont pas seulement des invectives, ils peuvent aussi servir de mots affectueux. C’est qu’ils sont jolis, ces volatiles, et tout le monde les aime bien. Enfin presque, parce que certaines personnes sont phobiques à leur endroit, même sans avoir vu le film d’Hitchcock.
Un qui n’était pas phobique, apparemment, c’était saint François d’Assise. Qui ne connaît l’épisode de « la prédication aux oiseaux » ? Tous ces petits mignons sagement rangés qui écoutent bien le sermon et attendent la bénédiction finale avant de s’envoler, c’est tellement charmant !
Alors pourquoi donc, le « Maître de saint François » a-t-il rapproché cet épisode de la descente de croix ? Cet artiste, appelé ainsi parce qu’on ne connaît pas son nom, a peint les murs de la basilique inférieure, à Assise, en mettant en regard, à droite des moments de la passion du Christ, à gauche des scènes de la vie du Poverello. Par exemple : à droite Jésus est dépouillé de ses vêtements, à gauche François rend ses habits à son père et trouve refuge dans le manteau de l’évêque. Ou encore : Jésus est cloué sur la croix, et François reçoit les stigmates.
Cela est assez clair. En revanche, pourquoi le sermon aux oiseaux en regard de la déposition du Christ, où l’on voit la Vierge Marie, le disciple bien-aimé, Marie-Madeleine, Joseph d’Arimathie et Nicodème se disputer presque le corps du Seigneur qu’il reçoivent avec empressement ? En fait, l’artiste a bien compris ce que dit saint Paul : « en lui habite toute la plénitude de la divinité, corporellement » (Col 2,9). Même mort, Jésus est le Fils éternel de Dieu ; et c’est son corps, une fois ressuscité par la puissance de l’Esprit Saint, qui sera reçu en communion par tous les fidèles jusqu’à la fin du monde en nourriture de vie éternelle. Et par vous donc aujourd’hui, les enfants, pour la première fois. C’est pourquoi ce corps est tellement désiré dès la descente de croix par ceux à qui il est remis.
Bien, et maintenant, quel rapport avec la prédication aux oiseaux ? Eh bien, la prédication, justement ! L’Écriture est comme le corps mort du Seigneur : en elle réside la plénitude de la parole divine. Mais elle doit être ressuscitée par l’Esprit Saint dans l’écoute croyante pour devenir nourriture de vie éternelle. L’homélie est au service de cet évènement. Le prêtre prêche comme il consacre le pain et le donne en communion : il agit en serviteur du Christ bon Pasteur qui nourrit ses fidèles pour qu’ils vivent de la Parole et la servent à leur tour.
Bien sûr, le prêtre peut être plus ou moins fort en rhétorique, et même parfois passer à côté de son sujet. Mais la responsabilité est partagée. L’auditeur n’est pas moins assisté de l’Esprit Saint que l’orateur et la réussite de la prédication ne dépend pas moins de la qualité de l’écoute que de celle de la prédication. La foi est décisive de part et d’autre, la foi au Christ qui se donne lui-même dans les sacrements.
Est-ce que nous croyons vraiment en Jésus donné de tout son cœur à ses frères humains pour les servir en les enseignant, en chassant leurs démons, en les guérissant, en les appelant à la vie, en les nourrissant, et en supportant leurs fautes, leurs révoltes et leurs péchés jusqu’au sacrifice de la Croix ? Est-ce ce Jésus-là que nous voulons donner et recevoir, oui ou non ?
« Ma colombe » : c’est ainsi que le bien-aimé appelle la bien-aimée dans le Cantique des cantiques. Israël s’est reconnu dans cette figure comme la Nation chérie de Dieu lui-même. Et l’Église, sans rien retirer au peuple de l’Alliance indéfectible, comprend que c’est elle-même aussi qui se trouve ainsi désignée par ce mot doux. Enfin, toute âme fidèle est la colombe chérie de Jésus Christ qui donne sa vie pour elle.
Chers enfants, comprenez que si vous pouvez communier maintenant à ce don merveilleux du corps et du sang du Fils de Dieu, c’est parce qu’il s’est donné de tout son cœur et de tout son corps pour vous faire entrer dans la vie éternelle. Vivez dès maintenant de ce don qui vous rend semblables au Christ bienfaiteur de toute humanité. L’éternité, nous la passerons à dire merci : à rendre grâce à Dieu dans l’Eucharistie de Jésus Christ.
Père Marc Lambret