Schopenhauer adoptait le mot fameux de Shakespeare : « une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien » (Macbeth V,5). Le philosophe allemand, dans son pessimisme, l’appliquait à la réalité que nous vivons. Mais le célèbre dramaturgeanglais n’était pas si simpliste : le personnage dans la bouche de qui il met cette phrase est lui-même un homme devenu tyran et criminel en cédant à ses passions ambitieuses. Le chaos qu’il décrit devient celui de sa propre vie tandis qu’il le sème et le répand autour de lui.
Dieu merci, l’histoire que nous vivons n’est pas faite que d’horreurs, qui certes atteignent parfois un paroxysme défiant toute espérance. Il faut toujours se rappeler cette leçon de sagesse des Anciens : il dépend de nous de choisir le bien et la vie sur les chemins de l’humanité, en résistant aux forces de mort et de désolation qui ne dorment jamais que d’un œil. L’Écriture consacre cette juste résistance en toute occasion et, bien plus, elle nous promet que le dernier mot sera à la Vie et au bonheur pour l’éternité.
L’évangile d’aujourd’hui conclut le chapitre 13, la « petite apocalypse » de Marc. Elle nous annonce des détresses, des catastrophes et des tribulations jusqu’à la fin du monde. Mais, la phrase « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec puissance et grande gloire » ne renvoie pas seulement au terme de l’histoire. Car Jésus reprendra bientôt cette citation de Daniel 7,13 au chapitre suivant, devant le grand prêtre, scellant ainsi son sort : aussitôt déclaré coupable de blasphème il est condamné à mort.
Or, justement sa Pâque ouvre le temps de la fin où « Il envoie ses anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde ». Le peuple des croyants, à l’appel des Apôtres et de leurs successeurs, préfigure, annonce et réalise l’humanité sauvée du péché et de la mort : l’Église, qui est « comme le sacrement du salut ». Seul le regard de la foi peut discerner, à travers la nuit et le brouillard qui s’abattent sur le monde, la venue maintenant du Fils de l’homme en qui nous avons le pardon des péchés et la grâce de la Vie.
Père Marc Lambret