« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Lectio – 2ème dimanche de l’Avent

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Textes de la liturgie : Is 11,1-10 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12

 Deuxième dimanche de l’Avent… entendez-vous dans le désert la voix de cet être bizarre, vêtu d’un pagne de poils de chameau serré aux reins par une ceinture de cuir et mangeant sauterelles et miel sauvage ? Il crie !

Crier dans le désert, c’est une image familière pour dire qu’on n’est pas entendu, mais pas dans le cas de Jean ; il n’y a pas que le sable ou les pierres pour l’entendre, celles-ci semblent en effet avoir répercuté sa voix jusqu’à Jérusalem, si bien que de toutes parts on accourt : de Jérusalem, de toute la terre des Juifs, et même d’au-delà du Jourdain.

Avant d’écouter cette voix, tournons-nous vers les lectures qui nous préparent à l’écoute de l’Évangile.

N’est-ce pas là l’Évangile ?

Comme la semaine dernière, la bonne nouvelle semble se trouver plutôt dans les deux premières lectures et dans le psaume qui les unit. On y trouve l’évocation d’un temps qu’on n’oserait guère imaginer si on ne le trouvait dans l’Écriture : le loup vivant avec l’agneau, le léopard couché près de la chèvre, le veau et le lion mangeant ensemble, le bébé jouant avec la vipère. Peut-on vraiment imaginer un tel monde, quand l’être humain n’est même plus capable de vivre avec son semblable ? À moins qu’il faille désormais apprendre de la jungle comment vivre ensemble…

N’embrassons pas trop vite la pure utopie ! Cette prophétie a une préhistoire qu’on trouve au chapitre 7 où il est question d’une situation dramatique de Jérusalem : des armées ont mis le siège contre la ville pour obliger son roi, Achaz, à faire partie d’une coalition formée des royaumes d’Israël (royaume du Nord) et de Syrie pour s’opposer à l’emprise de l’Assyrie et de son empereur, Tiglat Pilézer III. Achaz ne sait que faire. Alors qu’il s’est rendu près du réservoir d’eau de Siloé, pour en contrôler la sécurité, Isaïe est chargé de lui annoncer la parole du Seigneur. Il l’exhorte à faire confiance à Dieu et conclut : « Si vous ne croyez pas, vous ne tiendrez pas ! » En hébreu, cela forme un beau jeu de mots : Im lo taaminou ki lo téaminou (Is 7,9). Comme le roi hésite encore, Isaïe l’enjoint à demander un signe « au séjour des mort ou sur les sommets, là-haut ». Feignant la piété, Achaz rétorque : « Non … je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve » (Is 7,11-12). En clair : « Dieu règne dans les cieux ; qu’il y reste ! Mais sur terre, c’est moi qui commande ! ». Cela provoque la colère du prophète qui annonce le signe : « le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme a conçu et enfante un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous) » (v. 14).

À l’origine, cet oracle, que nous relirons le dernier dimanche de l’Avent, est une menace : Dieu cesse de soutenir Achaz et se tourne vers son fils qui est sur le point de naître. Ce sera Ézéchias, l’un des rares rois dont l’Écriture déclare qu’il fit ce qui était droit aux yeux du Seigneur (2 Rois 18,3). Et pourtant, avec le temps, Ézéchias aussi déçut Isaïe. Dès lors, comment comprendre la parole qu’il avait été chargé d’annoncer à Achaz ? C’est alors, mais alors seulement, que le prophète se tourne vers la fin des temps : l’Emmanuel annoncé n’était pas Ézéchias, mais un autre : le messie des temps messianiques décrits dans notre première lecture. L’espérance d’Isaïe devient alors aussi la nôtre.

C’est ce que met en évidence la seconde lecture, tirée de la lettre de Paul aux Romains : en Christ, Juifs et païens peuvent partager la même espérance et, par conséquent, s’accueillir les uns les autres dans leur diversité comprise non pas comme opposition des uns aux autres, mais comme enrichissement mutuel.

Jean, nouvel Élie

La prédication de Jean Baptiste dans le désert contraste avec l’annonce prophétique et semble vouloir susciter la peur et l’angoisse : celles dont parlaient d’autres prophètes, tels Sophonie ou Amos qui annonçaient le « jour de colère » ou « de ténèbres » (So 1,15 ; Am 5,18-20). Son vêtement, limité, comme sa nourriture, à l’essentiel, le désigne comme nouvel Élie. C’est à ce vêtement en effet que le roi Akhab reconnut Élie, lorsqu’on lui dit que « c’était un homme vêtu de poils avec un pagne de peau autour des reins » (2 Rois 1,8).

Il est alors important de se rappeler que les prophètes, à l’exception de Jonas, n’ont jamais proféré des menaces dans l’espoir sadique de voir leurs auditeurs rejoints par les catastrophes qu’ils annonçaient, mais au contraire, afin que ces menaces ne se réalisent pas. Il s’agissait de l’argument ultime devant susciter la conversion du peuple, son retour au Seigneur. Au fond, les prophètes, même dans leurs menaces, avaient en tête le message qu’Isaïe annonçait dans la première lecture, c’est ce qu’ils souhaitaient pour le peuple, même quand celui-ci était dépravé et rebelle à son Dieu. Il s’agissait de menaces en vue de la conversion.

C’est bien ce que l’on retrouve chez Jean : « Convertissez-vous car le royaume des cieux s’est approché… » il n’y a plus de temps à perdre. Et de fait, c’est dans la personne de Jésus que ce royaume des cieux s’est approché ; il a même planté sa tente au milieu de nous.

Alors ne cherchons pas des échappatoires ! Accueillons le message de Jean, nous rappelant qu’en fait nous l’avons déjà accueilli… lors de notre baptême. Mais ne disons pas : « Je suis baptisé, donc je n’ai rien à craindre » ; ce serait faire comme ceux qui disaient « nous avons Abraham pour père ». Non, notre baptême n’est pas un billet simple course pour le royaume ; il est à renouveler chaque matin, nous souvenant qu’il a fait de nous le temple du Saint-Esprit.

Invoquons alors, encore et toujours, cet Esprit saint et accueillons les suggestions qu’il nous fera pour que nous devenions vraiment ce que nous sommes, des enfants de Dieu !

Frère Daniel