« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

NOËL : le Seigneur met à nu le bras de sa sainteté

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Chers amis, avant de commencer cette méditation de Noël, je voudrais simplement vous dire la joie que je ressens à partager avec vous ces quelques réflexions. Me reviennent en mémoire nos rencontres estivales, et avec elles, bien sûr, vos visages et la joie qui animait les rencontres d’Ecclesiola. Sachez que vous êtes toujours bien présents à mon esprit. Je vous souhaite un Noël illuminé de la joie et de la paix du Seigneur.

Ceci dit, j’ai pensé centrer cette réflexion de Noël sur un verset du livre d’Isaïe qui fait partie de la première lecture de la messe du jour :

« Le Seigneur met à nu le bras de sa sainteté,
sous les yeux de toutes les nations,
et tous les confins de la terre verront le salut de notre Dieu » (Is 52,10).

Ainsi se présente la traduction littérale ; moins « agressive » apparaît la traduction liturgique des épiscopats de langue française : « Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu ».

Un peu d’histoire

Ce texte appartient à la deuxième partie du livre d’Isaïe et remonte à une période bien postérieure à celle où vécut le prophète. Ce nouveau prophète de la fin de l’exil à Babylone – qui s’inspire d’Isaïe, mais vit quelque 200 ans plus tard (dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C.) – se voit chargé d’annoncer le retour possible des exilés à Jérusalem : c’est la bonne nouvelle proclamée aux exilés suite à l’ascension de Cyrus, roi des Perses, qui a vaincu le roi de Babylone, en 539 av. J.-C., et change radicalement la politique du nouvel empire. Il ne va plus imposer ses dieux et sa religion aux peuples soumis, mais se proclame serviteur des dieux de ces peuples soumis et envoyé par eux pour leur rendre leur dignité. Il rendra donc la liberté aux exilés qui ont été déportés et fera reconstruire les temples de leurs divinités. C’est ainsi qu’il ordonnera, par exemple, la reconstruction du temple de Jérusalem (cf. 2 Chroniques 36,22-23).

Notre prophète ne se contente pourtant pas de la chronique ; il n’est pas journaliste, mais prophète. C’est-à-dire qu’il cherche à discerner, dans les événements historiques, les traces de l’action de Dieu, du seul vrai Seigneur, du Créateur auquel n’échappe aucun événement ; il interprète ce qu’il voit et rapporte.

La puissance de Dieu mise à nu

Il discerne alors dans les événements l’action du « bras de Dieu ». Le « bras » de Dieu n’est pas un avant-bras doté d’une main et de doigts, c’est une image qui signifie la force de Dieu, car c’est fondamentalement dans nos bras que réside notre force, soit pour empoigner celui qui est en train de tomber à côté de nous, soit au contraire pour le faire tomber. Ne montre-t-on pas ses biceps pour démontrer sa force ? Mais cette force reste ambiguë, comme l’est aussi celle de Dieu : elle peut déraciner les cèdres du Liban, au simple son de la voix du Seigneur (cf. Ps 29[28],5), ou disperser les ennemis de Dieu (Ps 89[88],11), mais le « bras de Dieu » peut aussi fortifier et délivrer son peuple (cf. Ps 89[88],22 ; 77[76],16).

Ici, l’image du bras est complétée par une autre : celle de la mise à nu. C’est bien sûr l’idée de faire voir ou de montrer. Le Seigneur montre la force de sa sainteté en ce qu’il fait surgir le libérateur d’Israël en exil. Mais mettre à nu, « dénuder », implique aussi l’idée de se montrer sans voile, de se montrer dans toute sa vérité.

Eh bien, quand Dieu – et, notons-le, le Dieu dont parle l’Ancien Testament – se montre dans sa « vérité toute nue », ce qui apparaît, c’est son œuvre de salut, c’est l’ouverture à un avenir de bonheur et de joie. Notre texte est catégorique : il s’agit d’une action qui se déroule sous les yeux de toutes les nations et « tous les confins de la terre verront le salut de notre Dieu ».

Cette mise à nu : Noël

Mais cette première interprétation est encore trop timide, aussi rebondit-elle jusqu’à devenir un « commentaire anticipé » de l’événement de Noël. La joyeuse nouvelle annoncée par le héraut qui bondissait sur les collines (Is 52,7) passe de l’annonce d’un messie (c’est ainsi que le prophète du VIe siècle nomme Cyrus, en Is 45,1 : « Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus que je tiens par sa main droite… »), à celle du Messie, du vrai, et de la proclamation d’un « salut » terrestre (la fin de l’exil) à celle du salut éternel dans la personne de Jésus, dont le nom dit, à lui seul, sa mission : il est venu manifester l’amour inconditionnel de Dieu et sauver l’humanité du non-sens de la vie et de la mort définitive.

Mais dans ce cas, quelle mise à nu !

Un nouveau-né, emmailloté et couché dans une mangeoire, comme du foin prêt à être dévoré non par le bœuf et l’âne que la piété populaire, s’inspirant d’Isaïe 1,3, a placés dans la grotte de Bethléem, mais par nous-mêmes qui participons à l’eucharistie où nous sommes invités à nous nourrir du corps et du sang de celui qui s’est donné lui-même pour notre salut. C’est là, dans cette extrême humilité, qu’est contenue toute la gloire du Seigneur de l’univers : faiblesse de Dieu ? Non, mais la puissance de son amour, puissance du sourire d’un nouveau-né capable de désarmer l’orgueil et l’arrogance des puissants de ce monde.

Là se trouve le roc sur lequel fonder, aujourd’hui encore, notre espérance !

Fr. Daniel