« Je te reçois comme époux (se) et je me donne à toi » Souvenez vous ! C’est par ces paroles de don total, scellées dans l’Eucharistie qu’est né un jour une merveille aux yeux du Seigneur, un Mystère de Joie et de Vie : une petite Église, une ecclesiole, votre Église domestique. Par le sacrement de mariage, la famille constitue une petite société unique en son genre, une cellule de base qui est consacrée, sanctifiée, insérée en tant que telle dans le corps mystique. Par la voix de l’apôtre Paul, toute l’Église crie de joie : « ce Mystère est de grande portée, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église[1] »
Depuis plusieurs années, le magistère invite avec insistance les familles chrétiennes, à être renouvelé dans une profonde conscience ecclésiale. A l’heure où l’institution familiale est quelque peu malmenée, est-il nécessaire de rappeler que l’Esprit Saint ne souffle pas dans le sens de la désespérance ? le concile Vatican II nous rappelle avec force qu’en période de « marée basse », c’est l’Église domestique qui surgit comme un roc ; c’est elle qui « manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Église.»[2] Plus que jamais, l’Église domestique est « appelée à prendre une part active et responsable à la mission de l’Église d’une façon propre et originale »[3], à porter la Parole de Dieu au monde et à participer ainsi pour une part essentielle à ce que l’on nomme la Nouvelle Évangélisation[4]. N’oublions pas qu’aux origines du christianisme et actuellement dans de nombreux pays du monde, un foyer domestique est souvent au point de départ de l’évangélisation et de la formation d’une communauté ecclésiale[5]. Il n’est donc pas étonnant de trouver symétrie et mimétisme entre la vie spirituelle de la communauté familiale et ecclésiale.
Trois piliers semblent asseoir concrètement la réalité spirituelle d’une « petite église », « retrouvant ainsi différents aspects de l’Église tels que : l’amour mutuel, l’attention à la Parole de Dieu et la prière commune. »[6]
Prière commune
Célébrer, pour une famille chrétienne, c’est accueillir la Vie de Dieu parmi elle, en posant avec simplicité et joie, des actes, des signes, des gestes qui font dire que Dieu est là, hôte familier, appelant la famille rassemblée à la louange, à l’action de grâce, à l’intercession, au pardon ; la source de cette vie divine : c’est l’écoute de la Parole de Dieu. Il n’est pas facile pour une famille de poser ces temps de prières familiales et il est certain que la mise en place d’une prière familiale demande pour un foyer de réels efforts. « L’esprit du monde » nous invite plus à l’individualisme et à la division qu’à la communion des cœurs. Mais comme le souligne Paul VI, « les familles qui veulent vivre en plénitude la vocation et la spiritualité propre de la famille chrétienne doivent dépenser toute leur énergie pour endiguer les forces qui empêchent la rencontre familiale et la prière commune »[7]. Les témoignages des Pères de l’Église sont éloquents : citons par exemple Tertullien décrivant la prière d’un couple chrétien : « ensemble ils prient , ensemble ils se prosternent, ensemble ils jeûnent s’instruisent, s’exhortant et se soutenant mutuellement.(…) Ils chantent entre eux deux des psaumes et des hymnes ; c’est à qui louera le mieux leur Dieu. Le Christ se réjouit en voyant et en entendant un tel ménage. Il lui envoie sa paix. Là où il y en a deux, il est lui même : et là où il est, le mal n’est pas ».[8] Bien plus, l’Église demande aux familles, en tant que sanctuaire domestique de « ne pas se contenter de pratiquer la prière en commun mais aussi qu’elles s’unissent plus étroitement à l’Église en utilisant, suivant ses possibilités, l’une ou l’autre partie de la liturgie des heures ». Avec quelques adaptations, la prière liturgique nourrit petits et grands et la psalmodie est sans aucun doute la plus belle des écoles de prière.
Attention à la Parole de Dieu
La chaleur du foyer est propice à l’Écoute aimante de la Parole reçue au cours de la liturgie, lecture patiente, persévérante, pour apprendre, dans la simplicité, le langage de Dieu, les mots de la prière et l’habitation du silence. «De retour à la maison, on prépare deux tables, une pour la nourriture, l’autre pour la sainte lecture. Le mari répète ce qui a été dit, l’épouse accueille l’enseignement. De cette façon tu fais de ta maison une Église. »[9]. Apprenons à Manger la Parole en famille, à la dévorer, à la savourer, en sachant redécouvrir l’art de conter, de raconter l’Histoire du Salut. « le foyer est l’endroit où l’Évangile est reçu et vécu, il est l’endroit à partir duquel l’Évangile rayonne »[10]. Ce primat de la Parole, cette rumination est source de transformation intérieure pour tout le foyer, de discernement, et de rencontre personnelle avec le Christ ressuscité.
Amour mutuel
Bien sûr la famille n’est pas église domestique uniquement quand elle célèbre, prie et écoute la Parole. Elle l’est d’abord par « l‘amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous fut donné ».[11] C’est dans l’écoute de chacun, dans la joie, la souffrance, et le pardon que la famille se construit jour après jour.
Petite église, église domestique ne sont pas des expressions visant simplement à encourager les familles à grandir en Église : bien plus l’ecclesiole est une réalité de vie !
Enracinée d’abord dans sa communauté paroissiale, « La famille est une révélation et une réalisation spécifique de la communion ecclésiale[12] ».Lorsque le Seigneur demande au jeune Salomon, venant de succéder à son Père David ce qu’il désire le plus, il a cette réponse étonnante de simplicité et de profondeur : donne moi Seigneur «un cœur qui écoute»[13]. Nous aussi, familles chrétiennes, demandons à l’Esprit saint un « cœur qui écoute » car, engendré par l’Église dans le sacrement de mariage, la famille vit pleinement sa vocation d’Église domestique quand elle accepte d’être engendré par l’Évangile[14]
Évangélisation dans la famille ! Évangélisation des familles par rayonnement ! L’Église Domestique en prière a sans aucun doute un rôle capital à jouer dans le Renouveau de nos communautés paroissiales et dans toute la vie de l’Église.
[1] Ep 5, 32
[2] Vatican II, Gaudium et Spes n° 48, § 4
[3] Familiaris consortio n°50
[4] Familiaris consortio n°51
[5] D. Sartore, Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, tome 1, pp 399-407
[6] Jean-Paul II, Document Conciliaire n°178, p 531
[7] Paul VI, Marialis cultus n° 54
[8] Tertullien, ad uxorem II, 8 (CSEL, 70, 124 ; PL 1, 1416-1417)
[9] Jean Chrysostome, Hom. in Gn 6,2 : PG 54, 607
[10] Jean-Paul II, Document Conciliaire n°178, p 531
[11] Rm 5, 5
[12] Familiaris Consortio 21
[13] 1R 3,9
[14] 1 Cor 4, 14