Pour une fois, pour un bon moment, nous avons le temps, nous avons du temps.
Tout s’est arrêté et nous sommes réduits à nous-mêmes. Rentrons en nous-mêmes, profitons du confinement pour descendre en nous-mêmes et découvrir des raisons d’être, d’exister, de nous réjouir.
Plus de bruit, plus de hâte, plus de stress. Ne comblons pas ce vide apparent qui peut faire peur à coup d’occupations nombreuses ou de distractions : demeurons en nous-mêmes, donnés à nous-mêmes, en vérité, en liberté, libérés de ce qui nous encombre. Nous avons en nous les ressources qu’il faut pour vivre, revivre, développer la joie de la vie.
Enfin du temps, enfin le temps d’être simplement ! Du temps pour regarder, réfléchir tranquillement, du temps pour lire, relire, relire ses liens vitaux, relire ses engagements, définir ses priorités. Enfin dégonflés de ce qui est vent, de ce qui est vain ; Enfin confiants, confidents grâce au confinement.
Retrouvons le goût de la simplicité, de la frugalité. Débarrassés de ce qui nous encombre et ramenés à l’intérieur de nos maisons, à l’intérieur de nous-mêmes, cultivons cette intériorité retrouvée. Ne nous replions pas dans la solitude ou l’isolement : apprécions d’être seuls, pour donner plus de qualité à nos relations. Redécouvrons le silence pour mieux utiliser la parole.
Savons-nous lire encore, détendus dans un fauteuil ? Est-ce que nous nous donnons le loisir de relire ce que nous a construits : classiques, romans, poésie, sagesses diverses ? Sommes-nous encore capables d’écouter vraiment de la musique, non pas comme un fond sonore qui nous évite de descendre dans notre cœur profond, mais pour rejoindre en nous l’indicible ?
L’espace nous est limité maintenant. Est-ce que nous en profitons pour redécouvrir ce qui nous entoure : la maison, ceux qui l’habitent, la nature ?
Nous avons enfin la possibilité de rester proches de nos proches. Donnons-leur notre temps. Prenons du temps avec eux : conjoints, enfants, parents, voisins.
« Le temps est plus important que l’espace » aime redire le pape François. C’est le moment de le vérifier, de le vivre.
Avons-nous l’expérience de la prière, d’un lien vivant et vivifiant avec ce qui nous dépasse ? Donnons-nous des bouffées d’air frais, ouvrons largement nos bronches au Souffle de Dieu. Apprenons à respirer autrement, longuement, pour parler, pour prier, pour chanter.
Si nous savons profiter de ce temps donné, libéré, nous élargirons nos espaces de vie, de réflexion, d’amour. Après l’épreuve de ce confinement, de cet arrêt général forcé, nous reviendrons autres, renouvelés, de ce retrait, de cette retraite, pour donner, nous donner, plutôt que de prendre, pour servir vraiment et connaître la joie vraie d’être, de renaître, de recevoir et de donner sens à la vie.
+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse
Le 25 mars 2020, en l’Annonciation du Seigneur