Le déconfinement du Bon Pasteur
Dans la lumière des fêtes pascales, les textes proposés par la liturgie de ce 4ème dimanche de Pâques nous éclairent sur notre vie de disciple du ressuscité en nous proposant deux paraboles imbriquées dans un même texte : la parabole du Bon Pasteur et la parabole de la Porte des brebis
La parabole du Bon Pasteur
Sans être un spécialiste de l’économie rurale, tout le monde sait bien qu’un berger vit sur le dos de son troupeau : la vente de la laine, du lait ou même de la viande. L’image romantique du gentil berger qui n’existe que pour le bonheur de ses brebis est peut-être liée à la méditation de cette parabole, mais il faut précisément rappeler que ce n’est qu’une parabole et une manière de parler en contre point, de la façon dont le Christ Ressuscité est un bon berger pour chacun de nous, une sorte d’exception… C’est lui qui est en fait l’agneau immolé, l’agneau pascal, qui renverse l’ordre des choses et nous rappelle que nous n’avons pas à craindre la mort !
Cette parabole nous invite surtout à comprendre l’action du Ressuscité : il est entré dans l’enclos de notre humanité où nous étions tous confinés dans la nuit… Sa Parole, comme celle des commencements « Que la lumière soit » (Gn 1,3), nous fait sortir du chaos et d’une condition humaine indifférenciée au milieu des ténèbres… « Les brebis écoutent sa voix… il les appelle chacune par son nom » (Jn 10,3) comme il le fait à chaque vocation : « Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9), « Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 4,10), « Abraham, va vers le pays que je te montrerai » (Gn 12,1), « Moïse, j’ai vu la misère de mon peuple » (Ex 3,7), « Gédéon, va avec la faible force que tu as, c’est moi qui t’envoie » (Jg 6,14)…, et ainsi de suite jusqu’au matin de la résurrection : « Marie, ne me retiens pas, va trouver mes frères ! » (Jn 20,17), « Thomas, parce que tu vois tu crois, heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » (Jn 20, 29), « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn 21,15), « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9,4).
La voix du Bon Pasteur est vocation, appel, invitation à le reconnaître, à sortir, à se laisser déplacer et à suivre son envoi en mission. La foi pascale commence par l’écoute de sa voix, la méditation de sa Parole, et le discernement de sa présence. Toute la Bible nous rappelle que Dieu ne parle pas pour ne rien dire. Le mot « Dabar », la Parole, désigne d’abord un acte, une action, quelque chose qui nous pousse en avant. Quand l’homme parle, il « s’ex-prime »… et quand Dieu parle, il est comme le Bon berger, il nous pousse en avant, nous fait sortir de l’enclos du confinement des idées toutes faites, il nous conduit au désert, comme il a conduit son peuple (cf l’Exode), le désert où il nous redit son Alliance, son Amour, dans le secret de nos cœurs. Le Christ ressuscité est notre Pâque, « il marche à la tête », « il est le premier né d’entre les morts » (Col 1,18), il nous ouvre le passage comme un premier de cordée.
St Jean nous décrit dans cet évangile ce qu’est l’Église des disciples du Ressuscité : des hommes et des femmes appelés chacun par leur nom, ayant vécu l’exode de leur confinement les plus secrets (non pas celui du covid 19 qui n’est qu’un signe des temps, par rapport à tous nos replis sur soi, nos tentations de communautarisme), un exode intérieur qui nous libère de l’esclavage du péché, de la désespérance et de l’absurdité pour nous faire sortir vers la vie, vers l’alliance.
C’est la même racine étymologique en hébreu qui veut dire « Parole » et « désert », ce désert où pousse parfois un peu d’herbe fraiche pour nourrir le troupeau dans sa transhumance. Il en est de même quand nous ouvrons la Parole de dieu et que le sens nous paraît difficile ; si nous consentons à aller dans ce désert de l’écriture, nous pouvons être sur que le Bon Pasteur nous y fera découvrir la saveur de cette herbe fraiche qui devient nourriture pour la route.
Saurons-nous écouter l’appel du Bon Pasteur qui vient nous déconfiner de nos lassitudes, de nos préjugés, et de nos autosuffisances pour nous conduire hors de l’enclos, vers de frais pâturages (sa Parole ?), vers des sources d’eau vive (ses sacrements et sa vie fraternelle ?), sans craindre les ravins de la mort, en dressant devant nous la Table de noces (son eucharistie ? son alliance ?) cf Ps 22
La parabole du Bon Pasteur venant nous sortir de l’enclos de notre entre-soi pour nous faire passer au partage de sa divinité, se résume dans la liturgie par une goutte d’eau dans la coupe de la nouvelle alliance :
Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité.
La Parabole de la porte des brebis
La « porte des Brebis » est le nom d’une des douze portes des murs de Jérusalem.
Dans le livre de Néhémie (Ne 3,1 ; 32), elle désigne la porte par laquelle on faisait entrer les brebis et les agneaux qui allaient être choisis pour le sacrifice au Temple, afin d’obtenir le pardon. Jésus, l’agneau Pascal est celui qui a été choisi pour le sacrifice. Il a fait l’expérience de l’immolation, du don de soi… Ses disciples obtiennent par lui le pardon et n’ont plus rien à craindre. Lui qui a été crucifié en dehors de la ville et au delà des portes de Jérusalem, a réintroduit dans la cité sainte, dans la bergerie de Dieu, tous ceux qui en avaient été expulsés (la Samaritaine, l’aveugle-né, Marie de Magdala…). Par sa mort et sa résurrection, il est vraiment devenu lui-même la Porte, le Passage, la Pâque.
Cette parabole de la Porte des brebis nous rappelle que passer par le Christ, par sa Pâque, nous permet de gagner en liberté et d’obtenir la vie en plénitude.
Le Christ ressuscité ne peut être enfermé dans une seule image. Il est de l’intérieur et de l’extérieur : il est l’Agneau et le berger : il est la Porte et le Portier. Il est le Verbe de Dieu et la Clé des Écritures.
Par sa naissance à Bethléem, il avait déjà attiré les bergers comme premiers témoins de ce projet merveilleux de Dieu de venir nous rejoindre dans nos enclos. Par l’étoile des Bergers, il avait attiré à lui les mages venus d’orient comme pour nous rappeler que son Salut était sans frontières. Par sa prédication, il s’était lui-même présenté comme le Bon Berger à la recherche des brebis perdues.
Puissions-nous en ce 4ème dimanche de Pâques méditer sur la façon dont le Christ Bon Pasteur nous invite au bon déconfinement : un déconfinement spirituel qui nous aide à retrouver le son de sa voix, et à retrouver notre vraie vocation
pour que tous les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance (Jn 10,10)