« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Homélie 4ème dimanche de Pâques (Jean 10, 1-10)

Chers frères et sœurs,  Chers amis, nous avançons dans « la cinquantaine » pascale. Temps de pentecôte qui nous est donné pour que nous laissions retentir à nos oreilles l’annonce de la résurrection.

Aujourd’hui encore, dans le livre des Actes que nous lisons en première lecture, par la voix de Pierre, le Ressuscité nous est annoncé : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Ac 2, 14 sv).
Et cette annonce nous y prêtons attention pour nous laisser surprendre par elle – tant elle est inattendue – mais aussi  pour l’accueillir en lui offrant l’assentiment, l’Amen, de notre foi ;  pour la laisser aussi investir et transformer nos existences puisque, dès le dimanche de Pâques, l’apôtre Paul donnait clairement à entendre que ce que j’appellerai « la grâce de la résurrection » ce n’est pas pour… on ne sait quel temps perdu dans le lointain d’on ne sait quel futur… mais c’est pour ici et maintenant.

N’avons-nous pas été étonnés ce jour de Pâques d’entendre l’Apôtre dire aux Colossiens (et partant à nous) : « Vous êtes ressuscités avec le Christ… ». Ce qui dans son esprit devait se traduire immédiatement par des attitudes concrètes, une forme de réorientation de la vie et des préoccupations : « Recherchez donc les réalités d’en-haut ! ».
On peut se demander ce qui se cache derrière … Alors, sans préjuger de la façon dont cela peut se décliner concrètement, on peut songer sans grand risque d’erreur qu’il s’agit, comme le dit d’ailleurs Jésus (au chapitre 6 de l’évangile selon Matthieu), de « rechercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice ».
C’est cela qui caractérise la religion que le Seigneur appelle de ses vœux pour ses disciples, c’est cela qui caractérise l’ambition spirituelle qu’il a pour eux : une religion d’adoration et de service. Religion d’adoration en esprit et vérité (il en parlait avec la Samaritaine) et religion de service en actes.

Alors, ce quatrième dimanche de Pâques présente à notre attention le début du chapitre 10 de l’évangile de Jean.
Et c’est une figure de sollicitude qui s’offre à nos yeux –

« Sollicitude »: c’est le mot que j’ai retenu pour aujourd’hui.

C’est la figure, encore et toujours du Ressuscité qui se présente à nous comme « berger » ou « pasteur », mais aussi comme « la porte des brebis ».
J’ai utilisé le mot de « sollicitude » qui renvoie d’abord à la connaissance que le berger a de son troupeau et aussi à l’attention qu’il porte à chacune des brebis qui le compose : « Ses brebis il les appelle chacune par son nom et il les fait sortir ».
On peut noter aussi que, de plus, cette connaissance est réciproque : « les brebis écoutent sa voix »; en revanche elles « ne connaissent pas la voix des étrangers ».
Et ici la sollicitude du berger s’exprime on ne peut mieux que par les derniers mots de la page d’évangile de ce jour : « Moi je suis venu pour que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance ».

Outre la connaissance spécifique de chacun des membres du troupeau et l’attention qu’on lui porte, il y a aussi le soin donné, à chaque pas et tout particulièrement lorsque le chemin est trop difficile ou lorsque survient l’épreuve ou la blessure : il s’agit alors de panser les plaies, de rassurer, d’offrir encore et encore ce que nous appelons « le salut » – cette santé intégrale du corps et de l’âme et de l’esprit de l’humain – Nous réentendons le Seigneur qui dit « Je suis la porte, dit le Seigneur, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage ».
Immédiatement, en entendant ou en lisant ces versets d’Évangile, j’imagine que comme moi vous revient en mémoire le psaume que nous chantions à l’instant : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien… ».
C’est sûrement une des perles du psautier, un acte de foi en la présence si pleine de sollicitude du Seigneur à qui met sa foi en lui.  Un peu plus loin, au verset 16, le Seigneur dira très explicitement jusqu’où va cette sollicitude.
Je cite, pardonnez-moi, un peu longuement : « Je suis le bon pasteur, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis ». Il me semble que tout est dit.

Plus surprenante peut-être le « Je suis la porte des brebis ». Mais peut être aussi pas tant que cela. Un peu plus loin (au chapitre 14), on le réentendra tout prochainement, le Seigneur dira « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi ».
Voilà ce que dit simplement le Seigneur : il est l’unique garant de notre liberté de mouvement. Tant pour « entrer » et aller vers l’intimité qu’il partage avec le Père (et dans laquelle nous avons vocation à entrer), que pour « sortir », c’est à dire vivre notre vie et assumer nos responsabilités et devoirs d’êtres humains en vivant sous la Loi de Dieu, Loi de justice, Loi d’amour dont le Christ ne cesse d’ailleurs de rappeler les exigences imprescriptibles : si on repense à la manière dont Matthieu présente les choses, c’est assez simple, ça commence avec le Discours sur la montagne (et les Béatitudes) et ça se finit par la parabole du jugement dernier. Toujours le même mot-clé: sollicitude encore… et toujours.

Aussi bien ce dimanche nous rappelle-t-il à notre vocation à ressembler au Maître, justement dans ses dispositions d’attention au prochain. C’est notre vocation, c’est aussi notre responsabilité.
À ce sujet, on ne peut jamais oublier le fratricide des origines, lorsque Caïn tue son frère, Abel. Lorsque l’Éternel lui demande où est son frère, il répond : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9).
Comme elle résonne toujours cette réponse !  : « Suis-je le gardien de mon frère ? ». Il ne fait aucun doute que pour le Seigneur Jésus, qui s’est fait notre frère pour être notre Sauveur, la réponse ne peut être que : oui.
Et certes, nous sommes confiés les uns aux autres pour nous accorder attention, bienveillance et soin. Et si quelques uns – pour lesquels nous prions ce jour – assument ce qu’on appelle une vocation « pastorale » pour laquelle ils abandonnent d’autres voies, c’est bien tout croyant, tout disciple qui a vocation à porter au monde, c’est à dire à la création aussi bien qu’à ses frères et sœurs – c’est à dire tout prochain, toute prochaine qui se présente – la sollicitude du Christ.

En concluant, juste une invitation : la deuxième lecture de ce jour est tirée de la première épître de Saint Pierre. C’est une contemplation du Christ qui n’est pas sans rappeler celle de saint Paul dans l’épître au Philippiens.
Pierre y pose les yeux sur l’Innocent, l’Innocent mis à mal, il contemple bel et bien le berger “qui donne sa vie pour ses brebis”, ce berger qui est, dit-il, “le gardien de nos âmes”, c’est à dire non pas le gardien d’une partie de nous-mêmes, mais bien le gardien de toute notre vie. Peut-être que nous pourrions reprendre ce beau texte comme une prière alors que nous célébrons ces jours-ci la victoire du Christ triomphant de toute injustice et de la mort.

Un dernier mot : alors que nous ne nous retrouverons pas tout de suite en rassemblement, continuons de cultiver et nourrir notre communion, une communion dans la prière et le service.
Ne relâchons pas non plus notre prière et pas non plus notre attention, car les temps demeurent des temps de grande fragilité.
On va recouvrer un peu de liberté à partir du 11 mais il faudra sans doute en user avec beaucoup de prudence si on ne veut pas se récréer des difficultés.
Alors nous pouvons continuer à penser aux malades, à leur proches, à tous les soignants, aux chercheurs, à tous ceux et celles aussi qui assurent qui notre quotidien dans des conditions plutôt rudes.
Nous pouvons penser aussi à tous ceux et celles qui ont la charge du bien commun (à tous les échelons), nombre d’entre eux sont vraiment confrontés à des équations à peu près impossibles.
Nous pouvons penser aussi à nos sociétés qui sont ébranlées par les conséquences de la crise sanitaire. Ici à Saint-Eustache nous avons une distribution de repas chaque jour et il y en a dans plusieurs lieux notamment à Paris (je suis à Paris c’est pour ça que je le dis), et nous voyons bien que le nombre des gens en situation de besoin augmente; Il y a là quelque chose qui est un signe peut-être de ce qui nous attend.
Alors nos sociétés pour construire le futur auront besoin de toutes les forces possibles de communion, de cohésion, de beaucoup de ressources de solidarité.
Décidément « sollicitude », c’était le mot du jour, n’est pas un vain mot… C’est un vrai défi aux aspects si multiples !
On ne peut le relever seul… nous avons pour cela besoin les uns des autres et de tous les talents et toutes les bonnes volontés.

Raison de plus pour accueillir à cœur ouvert la force du ressuscité, nous en avons grand besoin !
Très bon temps pascal à chacun et à chacune d’entre vous !
Christ est ressuscité !

AMEN.