Chronique de Gilles Rebêche du 22 avril 2020
Ce soir Isabelle et Charlie sont partis avec un caddie vers la place Puget, le commissariat et la gare tandis qu’avec frère Jean-Mathieu et Amadou nous descendions vers le Mayol, le port pour remonter la rue d’Alger, l’opéra, la place d’Armes et le boulevard de Strasbourg.
Au total 55 rencontres seulement mais de bons échanges parfois insolites tel Rachid, un vieux monsieur de la rue qui en montrant ses pieds enflés et bleus parlait des pieds de son père, un harki qui a dû beaucoup souffrir et imprimer la mémoire de son fils « si vous aviez vu les pieds de mon père quand ils l’ont rejeté …, les miens c’est rien à côté de ceux de mon père ». Étrange confidence qui laisse affleurer des souvenirs toujours pas guéris … et qui réclament autant de soins que ceux des pieds endoloris !
Un peu plus loin c’est Kevin qui partage ses inquiétudes : « le 115 m’a enfin trouvé un hôtel où je peux aller dès demain mais je suis trop crade j’ai besoin de rechange ».
Je lui donne le contact du bénévole qu’il trouvera à l’hôtel et le rassure sur le fait qu’il pourra obtenir auprès de lui des affaires de rechange et de quoi prendre une douche. « Vous lui direz merci », «eh bien non, c’est toi qui le feras en direct … tu le verras avant moi », « Trop bien !» conclut-il !
Je réalise à ce moment-là que cette chaîne de solidarité faite de beaucoup de maillons invisibles est une vraie force. Sans les bénévoles qui font chaque jour les sandwiches dans les cuisines de Jéricho, sans les chauffeurs qui les acheminent, sans les dons alimentaires ou de couvertures apportés par d’autres associations (le lien 83, st Vincent de Paul…), sans le service comptabilité de l’UDV, sans Michel, René et les deux Bruno, les bénévoles référents de chaque hôtel, sans l’EMPS qui fera le premier suivi socio médical de ces personnes rencontrées, sans le soutien financier d’illustres inconnus, notre mission serait vouée à l’échec.
Nous ne sommes que les sentinelles d’une nombreuse armée de gens de bonne volonté qui essaient de faire reculer l’indifférence et le chacun pour soi.
Nos caddies sont pleins ainsi de toutes ces présences d’amitié et d’espérance qui croient en la vie, telle celle de la petite Philomène née ce dimanche quand Ludo son père préparait les réunions de coordination interassociative.
Et ce soir en voyant Amadou, ce jeune et généreux demandeur d’asile, piloter la maraude je me disais intérieurement que j’avais bien de la chance d’être témoin de tant de belle humanité.
Ça peut faire du bien de temps en temps de se donner de bonnes nouvelles.
A bientôt,
Gille Rebêche, diacre
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