« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Le pauvre diable – commentaire Mc 1, 40-45

LE PAUVRE DIABLE
Expression du 19e siècle, « pauvre diable » se comprend aisément comme appliquée par ceux qui tiennent le haut du pavé à l’habitué du caniveau : pauvre parce qu’il fait pitié, et diable parce qu’il fait peur. Aux temps bibliques, étaient appelés “lépreux” tous les gens atteints de maladies de peau qui les rendaient hideux et répugnants : eux aussi inspiraient ces mêmes sentiments antagonistes de compassion et d’horreur. Mais, pour les fils d’Israël, ce dernier l’emportait dans la mesure où leurs lésions passaient pour le châtiment divin de péchés affreux et, en tout cas, les rendaient terriblement impurs religieusement.
Le lépreux de l’évangile a tout pour provoquer chez Jésus les deux réactions contradictoires qui rendent notre passage assez ambivalent. D’un côté nous y regardons le Christ guérir un malheureux par compassion, puis l’envoyer faire constater sa purification afin d’être réintégré dans la société et dans la communauté cultuelle. Mais de l’autre, malgré les atténuations de la traduction liturgique et de la tradition, nous voyons Jésus repousser l’homme qui l’agresse pratiquement en transgressant la loi, s’irriter contre lui, le réprimander et le chasser. En réalité, l’épisode illustre la parole de la foi : « C’était nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé » (Isaïe 53,4).
En effet, pour Jésus il ne s’agit pas seulement des sentiments communs que peut éprouver tout un chacun, mais de la perspective de la croix qui surgit sur son chemin comme un spectre menaçant. Là, en effet, il sera cloué au contact du péché et de la pire impureté, celle du démon immonde, de Satan dont ce sera l’heure. C’est lui, l’ennemi, qui est visé ici par la colère de Jésus, lui qui sera vaincu et chassé au prix de la passion. Tel est le sens de l’étrange retournement par lequel Jésus prend à la fin la place du lépreux, paria interdit de séjour dans la communauté des hommes, tandis que le lépreux guéri, lui, préfigure l’Apôtre comme pécheur pardonné à qui l’Évangile est confié.
Père Marc Lambret