« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Lectio – 3ème dimanche de l’Avent

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Troisième dimanche de l’Avent : Jean, le géant

Is 35,1-6a.10 ; Jc 5,7-10 ; Mt 11,2-11

Dans les églises catholiques, le troisième dimanche de l’Avent se revêt de rose ; il marque une pause dans l’austérité de la préparation aux célébrations du mystère de la Nativité du Christ. C’est le dimanche Gaudete, premier mot de l’antienne traditionnelle d’entrée dans la liturgie : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le redis : réjouissez-vous ! Le Seigneur est proche. » (Ph 4,4-5).

Invitation à la joie

La première lecture et le Psaume qui la suit indiquent la raison de cette joie : se prépare un formidable retournement des situations de tristesse, de haine, de violence, de douleur, de deuil que nous connaissons : le désert couvert de roses, les boiteux qui se mettent à bondir comme des cerfs ! Les aveugles qui voient, les enchaînés qui sortent de leurs prisons. N’est-ce pas là un rêve, pure utopie ?

Non, c’est la promesse du Seigneur, et puisqu’elle vient de Lui, nous pouvons en être certains, elle sera tenue. Mais, comme pour la venue glorieuse du Fils de l’homme, nous ignorons le moment de sa réalisation, ce qui doit nous tenir en éveil.

La deuxième lecture, de la lettre de Jacques, nous dit ce qu’est cet éveil : non pas l’agitation de celui qui ne peut ou ne veut plus attendre et se démène pour qu’advienne ce qu’il attend, mais pas non plus la résignation de celui qui n’attend plus rien et fait de la promesse une des nombreuses fake news dont on nous bourre les oreilles. L’éveil, c’est la patience du paysan qui a fait tout ce qu’il fallait : préparé la terre, semé le grain, et mis en terre les plants. Rien ne sert de tirer les tiges ; elles ne croîtront pas plus vite ! Il faut savoir attendre. Attendre rime avec « tendre » – comme on tend un arc – ; attendre, c’est être prêt, tout en sachant que je ne peux rien faire d’autre que d’invoquer la réalisation : Marana tba, « Viens, Seigneur ! »

L’important, dans cette attente, c’est de la vivre dans la joie, comme ces deux personnes qui cheminent vers un certain lieu. L’un demande à l’autre : « C’est encore loin ? » ; et l’autre répond : « Qu’importe la distance, jouissons plutôt du chemin que nous parcourons ensemble ! ».

L’exemple de Jean

Après cette invitation à une joyeuse attente, on pourrait penser que l’Évangile indique comment la vivre et l’on reste déçu. Car il raconte ce que l’on a appelé le « Gethsémani de Jean Baptiste » : Jean tourmenté dans son attente du Messie, d’autant plus qu’il croupit dans la prison où Hérode l’a jeté et où il sera bientôt exécuté. Mais est-ce vraiment cela l’attitude de Jean envoyant des disciples pour interroger Jésus ?

Peut-être en effet ne cherche-t-il pas la réponse à un doute angoissé, mais la confirmation d’une surprise exaltante qui, si elle s’avérait juste, transformerait son cachot en une salle de fête. Car si Jésus est le messie attendu, alors peu importe la situation dans laquelle on se trouve ; elle sera ce toute façon illuminée de la joie messianique (celle dont parle la première lecture), joie qui n’en a pas de pareille.

Jésus ne répond pas directement, mais sa réponse est claire et limpide ; c’est comme s’il disait : « Ce que tu as entendu est vrai, comme aussi ce que tu as annoncé : vraiment le royaume des cieux s’est approché (cf. Mt 3,2) avec ma venue parmi vous : des aveugles retrouvent la vue, des boiteux marchent, des lépreux sont purifiés…, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ». Matthieu nous présente ici un Jésus évoquant diverses annonces prophétiques telles Is 29,18ss ; 35,5s ; 42,7.18 et 61,1, même s’il omet de cette dernière la « libération des captifs ». Ainsi la lumière pénètre dans la prison de Jean.

Jésus pourra dès lors dire aux foules qui l’écoutent ce qu’il pense de Jean Baptiste : qui est-il au juste ? Les auditeurs restent muets, mais cela n’empêche pas Jésus de révéler l’identité de cet être « bizarre » dont nous entendions la voix dans le désert dimanche dernier. Ici aussi Jésus est d’une clarté stupéfiante : pas de plus grand que lui parmi ceux qui sont nés d’une femme, le géant ; plus grand donc même que le Messie-Fils de l’homme ! Et pourtant « le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui ».

Il ne s’agit certes pas d’exclure Jean du royaume de Dieu, ni même d’en faire une figure mineure du monde de Dieu, il ne s’agit pas non plus d’opposer Jean à ceux qui entreront dans le Royaume. Jésus opère ici une comparaison entre deux « sphères » différentes : humainement, Jean est le plus grand, mais sa grandeur terrestre insurpassable n’est que peu de chose par rapport à ce l’on sera dans le royaume. Là, la grandeur du plus petit sera infiniment plus grande que celle humaine de Jean ; la grandeur actuelle de Jean ne sera rien au regard de la stature inimaginable de ceux qui entrent dans le Royaume : alors Jean lui-même sera bien plus grand que ce qu’il est aujourd’hui !

Mais alors où est sa grandeur ? Elle se trouve dans le fait qu’il est le Prophète attendu, ce messager qui unit l’Ancien et le Nouveau Testament, la clé de voûte de l’Écriture tout entière. C’est pourquoi on ne peut guère se prononcer sur Jésus si l’on ne s’est pas d’abord prononcé sur cet être essentiel qu’est Jean, le Baptiste. Essentiel dans son vêtement, dans sa nourriture, dans son courage, dans sa parole, dans sa foi, dans son attente. Essentiel en ce qu’il nous rappelle ce que nous pouvons être, nous aussi : tendus vers le Royaume.

Fr. Daniel