« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Lectio Mt 24, 37-44 – 1er dimanche de l’Avent

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Comme aux jours de Noé ?

Textes de la liturgie : Is 2,1-5 ; Rm 13,11-14 ; Mt 24,36-44

Premier dimanche de l’Avent, un jour comme les autres, comme au temps de Noé. Aujourd’hui encore, même si l’on se marie de moins en moins, préférant le pacs ou une vie commune sans engagement formel, on mange et l’on boit, on achète et l’on vend, on travaille et parfois il faut lutter pour conserver son travail et son salaire.

Et pourtant, aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres.

D’abord c’est un dimanche, et dans l’Église comme lors des rencontres d’Ecclesiola on le redit et l’on ne cessera de le dire, le dimanche, c’est la Pâque de la semaine, jour qui nous rappelle l’origine et la finalité de toute créature : Vivre ! Premier jour de la semaine, jour de la création, huitième jour de la semaine, jour de la résurrection de Jésus.

Ensuite, aujourd’hui commence une année nouvelle, non pas année civile, mais année sous le regard du Seigneur de la vie ; c’est une invitation à recommencer, à reprendre la route, à s’armer de courage pour affronter avec un nouveau souffle un futur incertain.

Le futur incertain, c’est celui que nous déduisons de notre passé : on regarde en arrière, les diverses étapes que l’on a franchies, et – au-delà d’un progrès technique indéniable – nous constatons que nous savons toujours moins où, humainement et socialement, nous allons.

Tel n’est pourtant pas le message des lectures proposées par la liturgie de ce dimanche.

Un préambule enthousiaste

Les deux premières lectures et le psaume qui les relie l’une à l’autre sont pleins de joie :

Venez ! Montons à la montagne du Seigneur…

Des épées, on forgera des socs de charrue, et des lances on fera des faucilles.

Jamais plus nation ne lèvera l’épée contre nation ; on n’apprendra plus à faire la guerre.

Venez, maison de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur ! (Isaïe 2).

Quelle joie quand on m’a dit :

« Allons à la maison du Seigneur ! » (Psaume 122 [121]).

C’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche (Romains 13).

Le salut, quel merveilleux avenir ! Comme on a envie de le rejoindre ! C’est qu’ici le futur n’est plus la suite quasi inévitable de notre passé, c’est la surprise qui survient, c’est l’à-venir où Dieu lui-même vient à nous. Or, si l’avenir est l’œuvre de Dieu, nous pouvons en être certains, il ne peut être que beau et réjouissant, car c’est avec cette idée qu’il a créé le monde. Rappelons-nous le refrain du poème de la création : « Dieu vit que cela était bon… Dieu vit que cela était bon… Voici, cela était très bon ! » (Genèse 1).

Mais alors l’Évangile ?

Dans l’Évangile, le ton change du tout au tout. Ce qui arrive, c’est le déluge, c’est l’un qui est pris alors que l’autre est laissé, et cela vaut pour l’homme comme pour la femme, c’est le voleur qui perce les murs et dévalise. L’Évangile nous priverait-il de l’à-venir de Dieu pour nous rejeter dans notre futur incertain ? On attend autre chose de Jésus.

Mais, est-ce bien cela que l’Évangile nous fait entendre ? On peut en douter.

En effet, au-delà des événements catastrophiques qui suscitent la peur, n’oublions pas que Jésus vient d’annoncer, juste avant les paroles d’aujourd’hui, la « venue du Fils de l’homme dans sa gloire, pour réunir ses élus des quatre coins de la terre, d’une extrémité des cieux à l’autre » (Mt 24,31). C’est cela l’à-venir. L’évocation du déluge ou du voleur ne sert pas à annoncer une catastrophe, mais à rappeler une ignorance fondamentale : non de ce qui arrivera (cela, nous le savons !), mais du moment de la venue du Fils de l’homme. Quoi que nous fassions, nous ne saurons jamais quand il viendra… Jésus lui-même ne le savait pas (cf. Mt 24,36). Sa venue nous surprendra forcément. Quoi d’étonnant, puisque Dieu lui-même est essentiellement surprenant ? Voilà pourquoi il faut être vigilant, c’est-à-dire être prêt à accueillir la surprise, accepter que l’avenir soit surprenant.

Une autre observation peut nous aider à voir dans cet évangile autre chose qu’une nouvelle terrifiante. Le texte ne dit pas, malgré la traduction habituelle : « à l’heure où vous n’y pensez pas le Fils de l’homme viendra », mais « à l’heure où vous n’y pensez pas le Fils de l’homme vient » (v. 44). La venue du Fils de l’homme n’est pas au futur, mais au présent : c’est aujourd’hui déjà qu’il vient. C’est là la véritable surprise ! Mais alors, où le rencontrer ?

Le chapitre 25 nous le dira clairement :

À ceux qui sont à sa droite le roi dira : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! »

Cet Évangile conclura l’année liturgique qui commence aujourd’hui, comme pour nous dire que toute l’année veut nous rendre attentifs au lieu où l’on rencontre le Christ : en ceux qui ont faim et soif, en celui qui est étranger, migrant, nu, malade ou en prison. L’autre, dans sa détresse, quel qu’il soit, est le visage du Christ.

Certes, le texte parle d’une séparation : l’un est pris, l’autre laissé, mais ce n’est pas pour nous faire peur de ce qui doit venir. Ce qui doit nous faire peur, c’est nous-mêmes et notre fermeture aux autres, non pas la venue du Fils de l’homme.