La Bible n’est pas un conte. Pourtant elle se raconte. Le récit que je vais vous faire aujourd’hui est celui de l’entrée messianique de Jésus dans Jérusalem. Je l’ai préparé pour un public d’enfants. C’est pourquoi toute la scène est vue à travers leurs yeux. Je l’ai intitulé “Le Roi qu’on n’attendait pas”.
C’est un matin de grand soleil, et parmi la foule des pèlerins, il y a un garçon dont le cœur fait des bonds dans la poitrine. C’est Jonas, il a 12 ans. Il vient fêter la Pâque à Jérusalem pour la première fois.
Pour les juifs comme lui, c’est la plus grande fête de l’année. A cette occasion, on se souvient comment, il y a très longtemps le Dieu tout Puissant a libéré son peuple retenu en esclavage par Pharaon sur la terre d’Egypte. On raconte commet les Hébreux ont franchi la mer Rouge à pieds secs, guidé par Moïse.
C’est vraiment une grande et belle fête, qui met le cœur en joie.
Il est parti avant l’aube, avec ses parents et des voisins de leur petit village de Judée. D’abord tout engourdi de sommeil, il a peu à peu affermi son pas, et s’est réveillé tout à fait au son des chants et des psaumes qu’entonnaient les pèlerins. A présent, il est impatient de retrouver bientôt son cousin Elias, qui habite Bethphagé, un faubourg de Jérusalem. Ensemble ils iront au temple, et Elias lui montrera toutes les merveilles de la ville Sainte.
Allez, on y est presque! Nous voici enfin arrivés au pied du mont des oliviers. De son sommet, il parait que l’on voit tout Jérusalem. Alors courageusement, il allonge le pas. Cela vaut le coup d’oeil! Et il se met lui aussi à chanter un psaume du Roi David: “Quelle joie quand on m’a dit: allons à la maison du Seigneur! Enfin nos pieds s’arrêtent à ses portes, Jérusalem…”
Mais, à mi- pente, un attroupement les arrête. Jonas se glisse entre les gens pour voir ce qui se passe. Au centre, il y a une ânesse et son petit, sur lesquels des hommes étalent leurs manteaux en guise de selle. Un homme monte dessus. Mais quelle est cette tête malicieuse, aux cheveux ébouriffés qui se tient au premier rang, pour tout voir et tout savoir? C’est bien celle d’Elias… Et voici ses parents, et ses frères qui suivent les choses de très près, eux aussi.
Elias rejoint son cousin tout excité. “Jonas! Tu ne vas pas me croire! Tout à l’heure, j’ai vu deux hommes qui tournaient autour de notre ânesse et de son ânon attachés près de notre maison. Quand ils ont commencé à détacher la bride pour les emmener, j’ai couru chercher mon père – il a voulu les arrêter, tu penses! – Et tu sais ce qu’ils ont dit? “Le Maître en a besoin, et aussitôt après il les renverra”. Intrigués, nous avons suivis. Et puis voilà. C’est Jésus, le prophète qui fait de grands miracles! Il va rentrer dans Jérusalem, monté sur notre ânon! C’est un tout jeune animal, il n’a encore jamais porté d’homme sur son dos. Quel honneur pour nous! Viens, on va l’accompagner!”
Et bientôt, tous ceux qui se trouvent là veulent escorter Jésus. Certains étalent leurs manteaux sur le chemin en criant: “Hosanna, O Fils de David!”.
Ca fait comme un tapis coloré, sur lequel Jésus s’avance, et qui protège les pattes du petit âne des pierres de la route. D’autres coupent des palmes aux arbres, et les répandent sur le sol (c’est ce qu’on fait pour les vainqueurs de batailles, auxquels on veut faire un triomphe).
L’enthousiasme gagne toute la foule, et un cortège se forme qui résonne de cris joyeux et de vivats: “Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus haut des cieux!”
Les garçons courent en avant pour acclamer Jésus, puis reviennent vers leurs parents, de peur de se perdre dans la foule.
Elias se tourne vers son cousin: “quand le gouverneur rentre en ville, tu sais le gouverneur romain: il est monté sur un cheval magnifique, il bombe le torse sous sa cuirasse brillante, et tout le monde le regarde avec crainte. Regarde Jésus, c’est tout autre chose. Il n’a pas l’air très à son aise. Peut-être qu’il ne veut pas être roi comme Hérode ou comme l’empereur de Rome: plein de fierté et couvert de richesses. Mais un Roi tout proche: pour nous aussi il est petit”.
En arrivant près des murailles de la ville, le cortège ralentit pour en passer les portes, mais continue son joyeux tapage.
Les habitants de Jérusalem sortent de leur maison, étonnés, inquiets même: “Que se passe-t-il?” demande un commerçant. “Qui est cet homme monté sur un âne?” questionne un garde. “Pourquoi tout ce bruit? Que voulez-vous?” s’exclame un autre.
Les réponses fusent: “C’est Jésus, le Nazaréen!” “C’est un grand prophète!” “Venez le fêter avec nous!”
Il y en a qui sourient et qui se joignent à notre groupe. Mais il y a aussi des sourcils qui se froncent, et des visages qui se ferment. Les garçons sont surpris: ils voient bien que tous ne partagent pas la bonne nouvelle qu’ils sont venus annoncer. Ils voient que l’arrivée de Jésus dérange. Alors ils reprennent à tue-tête: “Hosanna, O Fils de David notre Roi!”
C’est alors qu’un grand prêtre et un scribe fendent la foule, l’air fâché. Ils vont droit vers Jésus qui est descendu de sa monture et marche vers le Temple.
“Entends-tu ce qu’il disent?” “Oui, parfaitement” répond Jésus tranquillement. “Mais ne connaissez-vous pas ce texte des psaumes: “De la bouche des tout-petits, Dieu s’est préparé une louange”?” Et Jésus les laisse là, les yeux ronds et remplis de colère. Eux, les religieux et les savants, ils veulent qu’on leur demande la permission pour parler de Dieu.
Les deux cousins retournent auprès de leurs familles, un peu perdus. Ils ont voulu s’éloigner avec les disciples. La fête qui avait si bien commencé est comme gâchée.
Devant l’air dépité de Jonas, son père lui dit: “Tu sais, le prophète Zacharie a annoncé que le Messie, l’Envoyé de Dieu que tous nous attendons depuis si longtemps, entrerait dans Jérusalem sur un petit âne, simplement, humblement, comme Jésus vient de le faire; peut-être qu’il est vraiment le Sauveur? Allez les garçons, encore un peu de patience. Voyons quelles grandes choses il va faire!”.
Jonas retrouve le sourire. Cette fête de la Pâque, elle n’est vraiment pas comme les autres. Jésus est passé dans sa vie. Alors il se remet à chanter: “Quelle joie quand on m’a dit: allons à la maison du Seigneur…”
Agnès Beaumont, conteuse biblique.