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« Une Eglise évangélisée, c’est une communauté qui se laisse appeler, rassembler par le Seigneur, qui se tient en sa présence à l’écoute fervente de sa Parole, laquelle est bonne nouvelle : C’est seulement si l’Eglise sait recevoir, d’une manière active et non passive, la Parole – c’est-à-dire comme celle qui sait l’accueillir, la célébrer, la méditer, la garder et l’observer- qu’elle saura aussi la transmettre. » (1)
La vie chrétienne naît d’une assemblée. Toute assemblée naît d’un geste : se rassembler. Ainsi se rassembler ou se laisser rassembler, constitue le tout premier geste fondamental d’une vie de foi. Ainsi, dès qu’ils répondent à la convocation du Seigneur, les chrétiens initient un processus : Transmettre l’Evangile. La pandémie en cours n’a cessé de réinterroger, bousculer encore et encore nos modes de rassemblements pour en révéler aussi leur caractère vital, essentiel : occasion « in-ouïe » de découvrir ou redécouvrir des ressources d’une fraternité de proximité, d’une vie chrétienne partagée avec les plus
proches, les voisins et dans les maisons comme aux origines du christianisme.
Alors pourquoi se rassembler ? Dès les premières générations, les chrétiens se sont réunis en assemblée chaque premier jour de la semaine, chaque dimanche et ce pour une seule raison : faire mémoire ensemble de la Pâques du Seigneur. Lorsque l’apôtre Paul, s’adressant aux chrétiens de Corinthe salue Prisca et Aquila (2) , ses collaborateurs, il salue également l’Ecclesia, l’Eglise, non pas au sens du bâtiment mais de l’assemblée convoquée qui se réunit chez eux, dans leur maison. Les récits de la résurrection en témoignent, l’Eglise assemblée a été dès les origines le premier lieu de vie avec le Ressuscité. Pour l’Eglise apostolique, ce rassemblement n’est donc pas la conséquence de l’appartenance au Christ mais la source. Pour le dire autrement, « ce ne sont pas les chrétiens qui, en se réunissant
forment l’Eglise-assemblée, c’est l’Eglise-assemblée qui fait les chrétiens (3) ». L’assemblée se comprend alors comme un corps formé dans l’écoute commune de la Parole de Dieu, un corps de prière, un corps eucharistique. Cette corporalité signifie combien le plus « spirituel » a toujours « lieu » dans le plus corporel (4). Assemblée, Dimanche et Eucharistie sont les fondamentaux indissociables d’une foi pascale.
Est-il besoin de rappeler que nos Eglises en Europe de l’ouest se trouvent à une croisée des chemins (5)? Nos assemblées sont redevenues de petits troupeaux, non sans une certaine similitude par certains aspects, avec les premiers temps de l’Eglise. Les réalités pastorales restent certes très différentes d’un diocèse à l’autre, selon que l’on habite en ville, dans la périphérie d’une grande ville ou à la campagne comme à Grignan. Cependant, quels que soient nos lieux de vie, le maillage territorial, base de la « civilisation paroissiale », ne cesse de se distendre voire disparaître et les chrétiens sont de plus en plus dispersés. Les essais de regroupement en secteurs paroissiaux, pour « tenir le modèle paroissial » doivent prendre en compte que moins de 4300 prêtres diocésains seront en activité dans l’Eglise de
France en 2024 (6). La tentation est toujours présente de déployer une stratégie de l’accommodement (7) pour tenir l’intenable, au nom du « on a toujours fait ainsi ». Cette vie en diaspora, alors même qu’elle est inscrite dans « l’ADN » du christianisme, peut susciter de la crainte et nous faire douter de notre capacité à annoncer l’Evangile aujourd’hui. Les mots du concile Vatican II, dans sa constitution pour l’Eglise, n’en ont que plus de relief, en rappelant l’enjeu décisif : « bien qu’il garde souvent les apparences d’un petit troupeau, ce peuple messianique constitue cependant pour tout l’ensemble du genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut » (8). Le concile offre une clef de lecture évangélique de la Tradition chrétienne permettant d’envisager l’avenir, sous une modalité résolument
créatrice et missionnaire en invitant à boire à la source (9).
Dans cet élan conciliaire, des démarches synodales dans de nombreux diocèses-dont le diocèse de Valence- ont eu l’audace de repenser la question de l’assemblée, sous l’angle de la responsabilité du peuple de Dieu tout entier et non de la seule tâche des évêques, prêtres, et diacres. Ce déplacement est considérable, très impliquant pour les assemblées, dérangeant parfois mais il s’inscrit dans cette « transformation missionnaire » vitale désirée par le concile Vatican II et rappelée avec force par le Pape François. L’assemblée pourra rassembler de multiples réalités cellulaires du corps ecclesial : Communautés de base, Fraternités de proximité, petites églises, ecclesiolae. L’enjeu commun est clair : manifester l’Evangile du Royaume, la présence du Christ ressuscité, là où nous vivons avec et au milieu des hommes et des femmes qui sont nos prochains. La pandémie est venue en quelque sorte éclairer l’urgence de cette voie de proximité.
C’est cette réflexion que nous portons modestement, avec Ecclesiola et que nous souhaitons partager avec vous cet été. Redisons le : L’assemblée dominicale est source d’une vie chrétienne missionnaire. La place de l’Eucharistie, fraction du pain, source et sommet est décisive. Elle n’est pas exclusive : le geste eucharistique suscite la vie réelle de l’assemblée dans toute la richesse de ses différents aspects. Vivre le Dimanche comme une pâque hebdomadaire, invite l’assemblée, à honorer une triple proposition qui permet de goûter certains essentiels.
Premier essentiel : la Parole de Dieu. Il s’agit d’en découvrir le goût grâce à une écoute active, fervente de la Parole de Dieu dans des « petits groupes », des fraternités de proximité, pour préparer la rencontre dominicale. Cela pourra prendre des formes multiples : partage d’évangile, lectio divina, manducation ou mémorisation de la Parole, etc… On pourra inviter des parents à favoriser cette écoute active de la Parole de Dieu auprès des enfants dès le plus jeune âge, au cœur des maisons.
Deuxième essentiel : le moment liturgique et c’est l’élément central. Il s’agit de donner goût à la prière commune, notamment dans l’acte de chant, le chant des psaumes (10) particulièrement au soir du samedi (11) à l’entrée du Dimanche, en célébrant ce que la grande Tradition appelle veille, vigile pour rendre grâce de la vivante espérance de la résurrection.
L’expérience menée depuis 3 ans par la communauté d’ALLEX dans le diocèse de Valence est éloquente de cela.
Troisième essentiel : donner le goût de l’hospitalité simple de toutes les générations entre elles, qui privilégie les relations de proximité, l’accueil personnalisé, l’accompagnement, dans cette diversité familiale des personnes où le plus pauvre a une place privilégiée.
Cet été, c’est ce programme simple d’un christianisme de source que nous désirons partager avec vous. Nous arriverons de multiples lieux, pour partager modestement d’abord nos expériences de vie de disciples. C’est dans ce bain d’Eglise que l’Esprit Saint sera suscité par nos rencontres, nos échanges, nos enrichissements mutuels, entre laïcs, prêtres, diacres, évêque, religieux, des sources d’inspiration pour nos différentes communautés ecclésiales.
Tant de questions se posent de façon urgente à nos assemblées. Pour rester concrets, nous pourrions en privilégier trois : Comment célébrer ensemble c’est-à-dire vivre et guider une prière commune par le chant des psaumes ? Comment guider un « petit groupe » autour d’une lecture commune de la Parole de Dieu ? Comment ouvrir notre assemblée à l’hospitalité évangélique ?
L’Eglise est l’assemblée. Elle est le Royaume déjà commencé et qui va vers sa plénitude. C’est là que nous allons et pas symboliquement, mais bien réellement (12) « Sois sans crainte petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume (13) » « l’intimité de l’Eglise avec Jésus est une intimité itinérante, et la communion se présente essentiellement comme communion missionnaire.
Fidèle au modèle du maitre, il est vital qu’aujourd’hui l’Eglise sorte pour annoncer l’Evangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Evangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu (14). »
1 Enzo Bianchi, Nouveaux style d’évangélisation, édition du Cerf, p 64.
2 Rm 16, 3-5
3 Y de Montcheuil, Aspects de l’Eglise, Cerf 1948, Coll. Livre de Vie, p 51
4 Louis Marie Chauvet, Les Sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, Vivre croire célébrer. p 4
5 Christoph Theobald, Urgences Pastorales, Bayard, p 25
6 Article dans la Croix, 2015.
7 Christoph Theobald, idem, p 30
8 Concile Vatican II, Lumen Gentium 26
9 Christoph Theobald, idem, p 33
10 Concile Vatican II, SC 7 : « Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle, tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures. Enfin, il est là
présent lorsque l’Eglise prie et chante les Psaumes, lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ».
11 Ac 20, 7-12
12 Alexandre Schmemann, l’Eucharistie Sacrement du Royaume, YMCA- press, p 19
13 Lc 12,32
14 Pape François, Evangelii gaudium n° 23