UN GRAND DÉSIR
L’homme qui court à la rencontre de Jésus et se jette à genoux pour lui formuler sa requête est, à l’évidence, animé d’un grand désir de cette « vie éternelle » à laquelle il aspire. Pourtant, le Christ procède à une double vérification préalable. En rappelant que nul n’est bon que Dieu, il renvoie son interlocuteur à la question de l’authenticité de sa démarche : seul celui qui a goûté à la bonté même de Dieu peut vouloir s’y attacher de toute son âme pour toujours. Or, cette bonté n’est autre que sa sainteté dont l’homme respire le parfum dans l’obéissance à sa Loi parfaite. C’est pourquoi Jésus l’interroge aussi sur sa connaissance et sa pratique des commandements.
Le Seigneur ayant « regardé en lui », comme dit littéralement le grec, et donc perçu l’ajustement de l’homme à l’objet de sa quête, l’aime alors non plus seulement de cette miséricorde qu’il accorde à tous, mais encore de dilection. C’est pourquoi il lui fait la grâce de l’appel spécifique auquel ont répondu les Apôtres, comme la remarque de Pierre ensuite le soulignera. Son poids de richesse, toutefois, l’empêche alors d’accepter ce don exceptionnel : son grand désir du ciel est entravé par des attachements à la terre d’autant plus forts qu’ils portent sur des biens réellement importants. Il ne reste ici au Sauveur qu’à déplorer la puissance du prince de ce monde.
Bien sûr, cette trop triste histoire nous porte à regarder vers le sacrifice pascal par lequel le Christ vaincra le diable et le dépouillera, permettant aux disciples de le suivre là où ils ne pouvaient aller auparavant, et c’est très bien. Bien sûr, nous nous plaisons à imaginer que l’homme a eu sa deuxième chance, et qu’alors sa tristesse fut changée en joie du salut. C’est moins nécessaire. Ce qui compte est de nous interroger nous-mêmes sur le désir que nous avons ou non de la vie éternelle, et pourquoi. Si nous ne nous sommes pas assez efforcés de nous ajuster à la loi d’amour de Dieu, nous n’avons pas goûté à la bonté de sa sainteté jusqu’à y aspirer d’un vrai désir d’éternité.
Père Marc Lambret