Cette contrainte qui est nôtre de devoir rester dans nos maisons en cette période difficile, nous renvoie de façon paradoxale au cœur même du mystère que nous allons célébrer dans cette grande semaine, cette semaine sainte.
C’est dans ta maison que je désire célébrer la Pâque
En effet le prophète l’avait annoncé : « Ma demeure sera chez eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Ez 37, 27).
Aussi, le Verbe fait chair habitant parmi nous, a-t-il appris à demeurer chez les siens, s’invitant sans cesse dans leurs maisons pour partager leur table : « …aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » (Lc 19, 5).
Et lorsque « il les aima jusqu’à la fin », le Christ s’adresse à ses disciples en les invitant à préparer le souper pascal : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : “Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples” » (Mt 26, 18).
C’est donc dans l’intimité d’une maison, dans « une grande pièce, à l’étage » (Lc 22, 12) que Jésus a « ardemment désiré manger cette Pâque » (Lc 22, 15), entouré de ses amis.
C’est dans cette « salle à manger » que Jésus a livré ses mystères, en annonçant par des gestes prophétiques sa Passion et sa Résurrection.
C’est dans cette même pièce, après la mort de Jésus, que les apôtres et les femmes se sont réunis car ils avaient peur.
C’est ici qu’ils ont touché les plaies du Ressuscité et qu’ils ont été inondés de la lumière de l’Esprit.
C’est encore d’ici, depuis la pièce d’une maison de Jérusalem, que les disciples sont partis pour annoncer au monde la bonne nouvelle du salut.
L’Eglise se souvient qu’elle est née à la maison
Depuis cette Pentecôte, le foyer domestique est devenu le lieu privilégié des chrétiens pour « écouter l’enseignement des apôtres, rompre le pain, participer aux prières » (Ac 2, 42).
Rappelons-nous que ces hommes, ces femmes et ces enfants, rassemblés en un seul lieu au nom du Christ, sont à l’origine de l’Église – c’est ainsi que Paul appelle les différentes communautés auxquelles il s’adresse (1Co 1, 2) –, si bien que leurs propres maisons, devenues des lieux de rassemblement, seront appelés pour longtemps « maison d’église ».
Aussi, dans ce mal qui nous frappe, nous pouvons réfléchir à ce qui fait la nature profonde de l’Église, en n’oubliant pas que l’Église est née dans une maison.
Mais nous devons oser davantage et découvrir nos propres maisons comme des lieux où le Christ se manifeste, dans lesquels il aime faire sa demeure : s’entretenir, partager, se reposer.
Plus encore, nous pouvons vivre dans nos maisons cette expérience de petite Église, d’Église à la maison, d’ecclesiola.
Les pauvres mangeront à la table du Seigneur
Certes, il ne s’agit pas de sublimer trop facilement une réalité qui parfois est bien difficile à vivre ces jours-ci.
Pour beaucoup, les logements sont exigus, d’autres souffrent de la pauvreté, certains sont frappés par la maladie ou le décès de l’un de ses proches, sans pouvoir en faire le deuil.
Ces situations bien réelles manifestent, elles aussi, la nature de l’Église car, de manière privilégiée, le Christ demeure dans ces maisons : auprès de celui qui est pauvre, de celui qui est malade, de celui qui meurt, de celui qui est endeuillé ou seul.