Un entre-deux pour la plus grande gloire de Dieu
Ce texte de l’évangile de Jean est dense. C’est un extrait de ce que l’on appelle « la prière sacerdotale de Jésus » prononcée le soir de sa Passion…
Une prière intime dont la densité scripturaire et théologique nous aide à comprendre qu’elle est d’abord le fruit de la contemplation de Jean sur le mystère de l’identité de Jésus, avant et après sa résurrection, une identité qui ne peut se comprendre que dans son lien à Dieu.
Nous écoutons et méditons ce passage d’évangile dans un « entre-deux » liturgique, entre la fête de l’Ascension et la fête de Pentecôte.
En 2020, nous recevons ce texte dans un « entre-deux » sociétal : entre le temps du confinement du à la pandémie… et le temps du déconfinement plein d’incertitudes et de questionnements.
Cet « entre-deux » inconfortable peut nous être donné comme un temps de fécondité et de renouveau, suivant la manière dont l’accueillons.
Dans le texte que nous découvrons, des mots reviennent plusieurs fois : donner (9 fois), gloire (6 fois), monde (4 fois), connaissance (4 fois). Laissons les résonner dans notre cœur, sans craindre de les habiller de questions personnelles :
Qu’est-ce qui m’a été donné de connaître, depuis que je suis venu au monde ?
Qu’est-ce que je connais de la Gloire de Dieu ?
Qu’est ce qui a du poids dans ma vie ? (le mot gloire signifie littéralement en hébreu « qui a du poids »)
Combien pèse dans mes décisions la gloire de Dieu ?
Je me souviens de la remarque d’un éducateur de mon enfance qui affirmait « Méfiez-vous des apparences : il y a des gros personnages qui ne pèsent pas lourds… et des petits gringalets de la vie ordinaire qui font du poids ! » De manière triviale, c’était une bonne manière de nous parler de la gloire de Dieu, c’est à dire cette « pesanteur de la grâce » qui nous invite à relire les évènements de notre vie en les mettant en perspective avec la destinée de Jésus et la promesse de vie éternelle.
En effet, ce texte de l’évangile selon St Jean nous aide à comprendre que la vie éternelle ne commence pas dans l’au-delà mais dès ici-bas.
Ce qui a du poids pour Dieu dans nos vies, c’est ce que nous faisons du don de son Amour.
Sa gloire, c’est d’abord la définition de cet échange qui peut exister entre Dieu et l’humanité pour déployer l’Amour et l’Unité entre tous.
Ce passage d’évangile que Jésus aurait prononcé comme une prière en s’adressant à Dieu pour ses disciples et en l’appelant « Papa », Jean ne l’a pas inventé de toute pièce : il l’a retranscrit comme le fruit de sa contemplation. Il s’est souvenu des mots de Jésus le soir de sa Passion, des mots plein de gravité : ils n’ont pris sens et lumière qu’après les heures sinistres de la Passion, le scandale de ses tortures et de sa mort sur la croix, mais aussi après le matin de Pâques, l’apparition du Ressuscité aux disciples, sa disparition au jour de l’Ascension et les premiers pas maladroits de la communauté ecclésiale.
Dans ce texte d’évangile, on peut observer une curiosité au verset 3. Alors que c’est Jésus qui prie, il est mentionné « celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». C’est bien un indice rédactionnel où Jean mélange le discours de la communauté avec les paroles de Jésus.
Jean s’est souvenu que Jésus avait glorifié Dieu en allant jusqu’au bout de sa mission : il comprend à son tour que c’est cette connaissance de Dieu qui est source de Vie. Le disciple à son tour est invité à agir, à exister, à penser à aimer, à servir pour la plus grande gloire de Dieu, une gloire qui rend bien fades toutes nos lassitudes dans le chemin de sainteté.
Les disciples continuent à rayonner de la gloire de Dieu, cette gloire partagée par le Père, le Fils et l’Esprit Saint…
Quand les chrétiens se signent du signe de la croix en invoquant la Trinité, ils attestent que même dans leurs croix, leurs épreuves et leurs difficultés, ils ne désespèrent pas de témoigner de la gloire de Dieu. C’est là que se trouve la vraie connaissance, la connaissance du vrai Dieu.
Cet entre-deux liturgique évoque ce moment où Jésus a disparu du regard et du toucher de ses disciples… et l’accomplissement de ses promesses, mais aussi cet « entre-deux » qu’il faut aux croyants pour désapprendre ce que l’on croit savoir de Dieu tant que l’on n’a pas traversé l’épreuve.
C’est ce moment favorable qui est le temps de l’invocation de l’Esprit Saint, un temps où on le supplie de nous réapprendre le vrai poids des choses et la mesure de nos jours, pour ne plus tarder à mettre en œuvre son projet d’Amour et d’Unité dans le monde, pour la plus grande gloire de Dieu !
Gilles Rebêche, diacre