L’expression évoque immédiatement la mise au monde d’un nouveau « né de femme », comme l’évangile appelle les hommes pour dire qu’il n’en est pas de plus grand que Jean le Baptiste. Aussitôt apparu, chacun de nous se met à respirer et, rapidement, à s’alimenter, ce qu’il fera toute sa vie. Les animaux, nos plus ou moins semblables, passent presque tous le plus clair de leur temps à chercher leur nourriture. Certains, il est vrai, n’ingèrent que rarement une proie assez considérable pour les sustenter durablement. Mais ceux-là se consacrent ensuite un bon moment à sa digestion.
Le vivant veut vivre et passe son temps à en trouver les moyens. Néanmoins, dans ses occupations, une autre fonction que la nutrition prend parfois le pas sur elle : la reproduction. La nécessité de s’y consacrer s’impose de telle manière à l’individu qu’il en vient parfois à oublier même l’instinct de conservation. Plus que survivre, alors, le vivant veut donner la vie.
D’où vient donc le mal de vivre qui nous en ôte à l’occasion le goût au point que nous voulions y mettre fin ? Malgré l’envie qu’ils en avaient, beaucoup de chercheurs ont cherché en vain l’attestation de conduites suicidaires dans le règne animal, excepté notre espèce humaine. Risquer sa vie pour la vie de l’autre, oui, mais choisir la mort pour elle-même, non. Sauf nous.
Le père du mensonge, homicide dès l’origine, est entré dans le monde par la brèche de la complicité humaine. Il continue son œuvre de décréation et de désolation en ceux qui se laissent abuser par ses prestiges et ses sophismes. Sur Jésus, il n’eut pas de prise. Le Christ a vu venir son heure avec un grand bouleversement : en lui, la vie était indemne de complicité avec la mort, lui par qui tout a été fait. Mais il l’a acceptée librement, sachant qu’au prix de la sienne, la vie du monde serait sauvée, justement. Celui qui donne la vie peut donner la force et le goût de vivre jusqu’au bout, et la Vie plus forte que tout mal.
Père Marc Lambret