La semaine sainte est le temps béni où la charité de Dieu se déploie liturgiquement dans la mémoire ecclésiale et nous convoque à célébrer ensemble la Pâque de Jésus qui rejoint toutes nos pâques « maintenant et à l’heure de notre mort ». Notre mémoire n’est pas que souvenir du passé, mais discernement pour notre présent et notre avenir : « La charité nous presse » « Caritas christi urget nos » (2 Cor 5,14)
Tous les offices de la semaine sainte nous éduquent avec une pédagogie divine infiniment adaptée à notre humanité, à cette conversion à la charité du Christ : une charité qui se fait service, une charité qui se fait consentement, don de soi, amour de l’autre au point de donner sa vie pour lui, une charité qui se fait passion, compassion et résurrection, une charité qui révèle l’identité même du Créateur. « Où sont amour et charité, Dieu est présent » « Ubi caritas et amor, Deus ibi est ».
Comment oublier tous nos frères chrétiens ukrainiens et russes qui vivent dans un environnement d’extrême violence et de désarroi profond ces jours saints ? Prenons la mesure de la gravité de ce contexte de guerre qui fait resurgir nos peurs et nos angoisses de mort à l’état brut, mais aussi et bien plus encore, l’attente d’un salut qui se fasse réconciliation, reconstruction, et résurrection.
Entrons dans cette semaine sainte avec l’enthousiasme de tous ceux et celles qui ont compris que « sans cette charité, je ne suis rien » (1 Cor 13,2). Les années précédentes, le confinement de la crise sanitaire nous a surpris et contraints à redécouvrir la liturgie quotidienne dans l’ecclesiole domestique. Cette épreuve fut une grâce pour beaucoup d’entre nous.
Cette année, nous avons la chance de pouvoir à nouveau nous rassembler, Comment pourrions-nous bouder notre joie des retrouvailles qui permettent à l’église universelle de mettre en œuvre sa démarche synodale ? Le Synode sur la synodalité aura l’empreinte de Pâques si nous consentons à nous dépouiller de tous les préjugés qui nous empêchent d’écouter l’autre, et si nous croyons que la force de Dieu qui a rendu la Vie au corps de Jésus dans le tombeau peut tout autant ressusciter le corps endolori et meurtri de l’Eglise du Christ.
Puissions-nous relire tous ces évènements en essayant d’en tirer un bien pour notre vie intérieure, notre vie communautaire et notre santé spirituelle !
« Tout est grâce » disait Bernanos… Oui, « Tout est donné », et le temps de la semaine sainte est par excellence le temps où nous prenons la mesure que le Salut nous est donné sans aucun mérite de notre part, si ce n’est de nous laisser faire par la charité du Christ.
Le dimanche de la Passion coïncidait cette année en France avec le premier tour des élections présidentielles. Le Christ en entrant dans Jérusalem monté sur un petit âne ne vient pas chercher nos suffrages ; au contraire, c’est lui qui vient voter pour chacun d’entre nous et faire de chacun son élu. Il ne se présente pas comme un candidat politique, mais comme le Prince de la Paix, le représentant des pauvres et des petits qui ont mis leur confiance en Sa Parole. C’est en reconnaissant humblement nos propres limites, nos fragilités, nos pauvretés et même nos péchés, que nous pouvons accueillir ce Sauveur qui vient à hauteur d’homme pour nous inviter à marcher ensemble.
Accrochons-nous aux branches des rameaux de l’Espérance pour faire monter vers le ciel notre appel à l’aide « hosanna, de grâce, sauve-nous ! » Peut-être serons-nous alors disposés et attentifs à la réponse du Récit de la Passion qui, tel un dramaturge, nous invite à contempler la façon dont Dieu se fait proche de nous jusque dans nos faiblesses et dans la mort.
Ne soyons pas surpris que Jésus soit suspecté d’être « cas contact » avec nous. En fait, il est lui-même le cas contact d’un Dieu d’amour qui ne veut plus de distanciation sociale avec notre humanité. Il veut se révéler à nous, sans masque, à visage découvert, et son visage a les traits tirés et fatigués de celui que Pilate montre à la foule « Voici l’homme ». On aimerait tant le trouver ailleurs, mais il est là, présent dans son corps qu’est l’Eglise, aussi défiguré, aussi abîmé que le vendredi saint, mais c’est bien lui. La Croix rayonne de sa Présence comme le buisson ardent irradiait de la Présence de l’Eternel.
Dans la nuit de Pâques, l’Exultet et l’Alléluia seront nos chants de ralliement pour redire « notre joie d’être sauvés » (Ps 50,14) et entrainer à la suite du Christ tous ceux qui cherchent la Vérité.
« Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! »
C’est la Pâque du Seigneur, c’est notre Pâque !
Ne cherchez plus parmi les morts Celui qui est vivant !
Gilles Rebêche 10 avril 2022