Nous ne voyons que ce que nous voulons bien voir. Les scientifiques nous expliquent que la perception se réalise par une opération cérébrale sans laquelle les organes des sens, même en parfait état, ne servent à rien. C’est en particulier spectaculaire pour la vue, et nous en avons bien l’expérience ordinaire. Qui de nous, en effet, n’a-t-il pas été aveugle à ce qu’il cherchait et se trouvait sous son nez, simplement parce que la chose ne se présentait pas sous l’aspect attendu ? Mais ce n’est pas seulement pour la perception qu’il en est ainsi. Nos préjugés sont si puissants que, le plus souvent, nous trouvons évident tout ce qui s’y conforme, tandis que nous ignorons résolument ce qui les infirme ; inconsciemment bien sûr !
L’épisode de l’aveugle-né nous explique ainsi l’incroyable résistance des adversaires de Jésus à l’évidence de son œuvre messianique. Au cours de l’échange, non seulement les pharisiens ne se rendent pas aux faits dont ils ont connaissance, mais ils s’enfoncent dans le déni et le refus. « Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur », disent-ils à l’homme qui fut aveugle, manifestant ainsi leur propre aveuglement sans remède. Car il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, pouvons-nous dire en paraphrasant le proverbe. Ce phénomène s’observe en toute matière sensible, notamment en politique. Mais en religion, c’est le pire.
Laissons la figure de Syméon éclairer un peu de sa lumière de Noël ce temps de carême : « Maintenant mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples », dit-il au comble du bonheur, Jésus dans les bras. Il avait longtemps espéré cette grâce que l’Esprit Saint lui avait promis de goûter avant de mourir. Laissons-nous donc instruire par son attente : que la Parole écoutée dans l’Esprit forme en nous une authentique espérance du salut que Dieu veut donner, en place de nos désirs trop mondains. Alors nous goûterons la lumière de la Résurrection dans sa réalité mystérieuse et merveilleuse au jour de Pâques. Car seul celui qui veut vraiment voir le salut de Dieu le verra sûrement.
Père Marc Lambret