JÉSUS et nous À L’ÉPREUVE DU DÉSERT
Oublions les récits de Luc et de Matthieu pour bien écouter Marc. Ici, ni jeûne ni mention des trois tentations typiques assorties de leurs parades. Jésus, remontant de son baptême, est aussitôt éjecté dans le désert par ce même Esprit qui vient de descendre sur lui. La référence au Peuple libéré d’Égypte par la traversée de la mer puis envoyé au désert est immédiate, d’autant que la durée du séjour est ici de quarante jours et là de quarante ans.
Le Peuple connut au désert à la fois les tentations de l’Adversaire, l’hostilité d’Amalec et la proximité de Dieu qui le nourrit et l’abreuva. De même, Jésus y est tenté par Satan, environné de bêtes sauvages et servi par les anges. Le passage d’Israël par le désert sert le dessein pédagogique de Dieu pour son peuple : comme un père fait l’éducation de ses enfants, le Seigneur apprend aux fils de l’Alliance à lui rester fidèles dans les tribulations et les épreuves.
Ici surgit un redoutable problème de vocabulaire. Pour nous, le verbe « tenter », surtout en contexte religieux, signifie essayer de faire tomber, pousser au péché. En ce sens, il est trop évident que Dieu ne tente personne, comme le dit la lettre de Jacques. Pourtant, il demeure que Dieu « met à l’épreuve », comme il est dit pour Abraham et aussi pour le Peuple au désert. En ce sens, c’est bien l’Esprit qui pousse Jésus au désert, et le Père qui lui tendra la coupe.
Le grec de l’évangile ne connaît qu’un terme : « peirazô », éprouver. Il signifie d’abord « mettre à l’épreuve » pour vérifier la valeur, puis « tenter », essayer de faire pécher. Bien sûr, tandis que Dieu peut « mettre à l’épreuve », seul Satan « tente ». Mais les deux aspects nous paraissent confondus dans le même évènement. C’est arrivé à Jésus dans son humanité prise pour nous sauver. Il a bien discerné dans l’Esprit, non sans lutte, pour que nous fassions de même.
Père Marc Lambret