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Que de visages masqués aux regards lassés. Le nôtre aussi que l’on croise furtivement dans une glace. Il faut dire que cette pandémie nous épuise au plus profond de nous-mêmes au-delà de l’action déjà rude directe ou indirecte du virus. Nos communautés chrétiennes, nos familles non plus ne sont pas épargnées par cette morosité plus contagieuse que le virus même. Nos Eglises semblent aussi perdre patience et rejoindre le chorus des exaspérations de toute la société. Pire encore, elles exposent des divisions autour du signe même de notre unité : l’Eucharistie. La confusion est grande et suscite certainement en vous au minimum de l’inquiétude, elle-même relayée largement par tous les réseaux sociaux. Qu’allons-nous faire maintenant de ce mécontentement grandissant qui gangrène notre capacité à témoigner d’une bonne nouvelle ici et maintenant ? Quelles sont nos ressources aujourd’hui ?
Dans un essai récent et important[1], la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, ne se résigne pas et invite à une résistance sous forme d’une décision personnelle, à ce que l’on nomme le ressentiment, une passion triste qui pénètre nos existences insidieusement. Elle décrit cela sous le registre de l’oralité : « le terme clé pour comprendre la dynamique du ressentiment est la rumination, quelque-chose qui se mâche et se remâche, avec d’ailleurs cette amertume caractéristique d’un aliment fatigué par la mastication ». L’enjeu est alors de taille car « la Lutte contre le ressentiment enseigne la nécessité d’une tolérance à l’incertitude et à l’injustice. Au bout de cette confrontation, il y a un principe d’augmentation de soi. » Incertitude ? Sensation d’injustice ? Ces mots nous parlent et il est bon de nous laisser ainsi enseigner par cette philosophe qui ne fait aucune référence explicite à la vie chrétienne.
Alors pour des disciples du Christ, le temps de l’Avent, le temps des avènements, n’est-il pas une ressource in–ouïe pour toutes celles et ceux qui veulent résister, par la patience, la vigilance, la prière, le silence, le retour sur soi, la méditation de la Parole de Dieu ? La rumination peut alors quitter le goût de l’amer pour laisser découvrir à nos palais d’autres saveurs.
Nos pères dans la Foi, appellent cette rumination de la Parole de Dieu précisément méditation. Le terme de méditation est mieux connu aujourd’hui car il est entré dans notre langage et nos pratiques, dans tous les domaines de ce que l’on nomme la pleine conscience. C’est une richesse immense qu’il s’agit d’encourager à découvrir. Mais la méditation de la Parole de Dieu, la lectio divina est autre. Elle n’est pas une méthode mais une attitude, car il s’agit « d’apprendre de bouche ». Méditer la Parole de Dieu, c’est la chanter aussi avec la Liturgie de toute l’Eglise. Jean-Philippe Fourcade nous offre ICI des indications précieuses pour la mise en œuvre de ce répertoire musical d’Orient et d’Occident source d’une immense richesse.
Alors pourquoi pas, dans cet Avent, prendre du temps pour chanter la louange du Seigneur, mais aussi pour nous retirer dans notre chambre, pour nous asseoir à notre table sur laquelle nous aurons déposé une bible ouverte pour lire, méditer, prier, contempler la Parole du Vivant qui vient nous donner Vie ?
Notre ami le frère Daniel Attinger, moine de la communauté de Bose en Italie, nous fait l’immense joie de guider notre route à l’école de l’Evangile dans cet Avent 2020 (cliquer ICI). Laissons-nous travailler au plus profond de nous par L’Esprit consolateur.
Bon Avent !
« Nous t’attendons au prince de la Paix toi qui fais toute chose nouvelle »
[1] Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer, Guérir du ressentiment, essai, 2020, édition Gallimard