« Le Christ, notre Pâque ! » (1 Cor 5,7)

Homélie – 4ème dimanche de l’Avent

Chers frères et sœurs, chers amis, alors que nous célébrons le quatrième dimanche de l’avent, au cœur
même de la semaine préparatoire de Noël et à seulement quelques jours de la célébration de la Nativité,
permettez que je commence par évoquer, simplement en les énumérant, les lectures qui nous sont
proposées aujourd’hui.
La première lecture, c’est la lecture du livre du prophète Michée au chapitre 5e. Ce passage est
intéressant parce que c’est celui qui sera convoqué lorsque les mages se rendront à Jérusalem pour
demander vers où ils doivent aller. Hérode interrogera ceux qui savent, les “sachants”, et ils se
réfèreront à la prophétie de Michée : « Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de
toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël… » J’arrête là la citation. J’en retiens une chose
particulièrement : « Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, ». Lorsque nous avançons
vers la Nativité, nous avançons vers un mystère de grandeur cachée dans l’écrin de la petitesse. Nous
allons accueillir un petit enfant, nous allons accueillir un être faible, un être sans force, un être sans
parole… et c’est pourtant lui qui porte, dans sa personne, le mystère du Salut du monde. C’est pourtant
lui qui dans sa petitesse — et cela est tellement important — va révéler la grandeur de Dieu. On peut
songer aux quelques fois où, durant son ministère, le Seigneur se réfèrera à cette bénédiction de la
petitesse : « Je te bénis Seigneur, Père Seigneur du ciel et de la terre, car ce que tu as caché aux sages
et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11, 25 ; Lc 10, 21 ) Et au fond, nous-mêmes, dans notre
chemin spirituel, si nous pensons par exemple, à Thérèse et à sa “petite voie’’, nous avons vocation à
faire ce chemin paradoxal de grandir spirituellement en consentant à être petits, à cause de notre
faiblesse et en ayant l’ambition de demeurer petits sous le regard de Dieu.
La deuxième lecture qui nous est proposée, elle est tirée de l’épître aux Hébreux. Ce sont des versets
pour le coup que nous connaissons bien. À présent, on est déjà en présence du Mystère du Christ, et
c’est Lui qui parle : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas
agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu,
pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. » De tout cela je retiens ce que ce petit
passage de l’épître va répéter : « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. » Aussi bien, dès lors qu’il
apparaît à nos yeux, cet enfant, qui est Emmanuel « Dieu avec nous », il a pour unique programme de
vie de faire la volonté de Dieu. Il aura comme pédagogie de nous manifester à quel point il y a une unité
de vouloir entre lui qui consent et son Père, le Père invisible qui l’envoie pour nous les hommes et pour
notre salut. Et il nous indique que le nœud de toute sa démarche, de l’accomplissement de sa mission,
n’est pas dans la ligne des holocaustes, des sacrifices pour le péché, il est plutôt dans la ligne de
l’obéissance au dessein divin de Salut.
Si à présent nous envisageons la page de l’Évangile selon saint Luc que nous lisons aujourd’hui, elle
nous reconduit à un épisode important : la Visitation. Vous vous souvenez certainement que cet épisode
fait suite – quasiment sans transition – au moment de l’Annonciation : « Le sixième mois l’ange Gabriel
fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du
nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie. » Ici encore nous sommes
mis en présence de la petitesse. Marie elle-même le dira : « Le Seigneur a regardé l’humilité de sa
servante ». Et c’est précisément vers cette humilité de Marie que l’humilité de Dieu vient, pour inviter
Marie à pendre sa part dans la réalisation du dessein divin.
Il est étonnant cet épisode, ce dialogue au sommet entre un archange et une toute jeune fille. Dialogue
au cours duquel Marie va offrir au Seigneur l’assentiment de son obéissance. Elle va prononcer ce mot
qui est son mot le plus propre, le fiat : « Que tout se passe pour moi selon ta parole. » Nous retrouvons
ici cette ligne, aussi, de l’obéissance. Le Seigneur vient, il invite et il attend l’engagement de la parole
libre de la Vierge Marie. Et on voit bien, quand on lit le récit de l’Annonciation que c’est à un être éveillé
que le Seigneur s’adresse. Marie n’hésite pas à faire part des questions qu’elle porte, elle les porte à
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l’intérieur d’une foi sûre et certaine, pleine et entière, sans réserve à l’égard du Seigneur, mais elle a
besoin d’être éclairée sur les chemins que tout cela va prendre. Bien sûr, elle n’aura pas tout à fait la clé
mais elle pourra être rassurée par la parole de l’ange qui lui dira : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la
puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi, l’être saint qui naîtra sera appelé
Fils de Dieu. »
La Vierge Marie accueille la parole que le Seigneur lui adresse par l’ange, et sitôt qu’elle a achevé son
dialogue avec l’Archange Gabriel, elle se met en route — et c’est ce que nous lisons aujourd’hui — vers la
maison de sa cousine Élisabeth. Et dans cette page d’évangile si brève que nous recevons juste avant
Noël, ce que nous entendons, au fond, c’est comme une prophétie d’Élisabeth sur la Vierge Marie. Elle
loue le Seigneur et elle reconnaît la bénédiction dont Marie est revêtue : « Tu es bénie entre toutes les
femmes et le fruit de tes entrailles est béni. » Mais surtout il y a cette béatitude dont je pense qu’elle est
en propre la béatitude de la Vierge Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
La béatitude propre de la Vierge Marie, c’est sa foi sans réserve, sans faux plis, c’est la foi qu’elle a mise
dans le Dieu d’Abraham, de ses pères, ce Dieu qui n’abandonne pas son peuple, ce Dieu qui est toujours
là. Marie a accueilli la parole de l’ange avec la plus claire des disponibilités qui se puissent imaginer et,
entendant la parole de l’ange, elle y a souscrit. De sorte que dans l’instant-même où elle accueillait la
parole de l’ange — dans l’instant-même où elle accueillait la parole de l’ange — elle était la Mère du
Sauveur. J’ai souvent eu l’occasion de citer cette belle citation de saint Augustin qui dit de la Mère de
Dieu, qu’elle a conçu d’abord dans son âme avant que de concevoir dans sa chair.
Il y a tout un chemin que fait la Parole de Dieu jusqu’à l’âme de Marie, et qui finalement va prendre
chair en elle. C’est de sa substance d’être humain que le Verbe va prendre pour devenir l’un de nous. Et
cette réalité merveilleuse nous n’en finissons pas de la scruter. Bien entendu nous ne pouvons jamais la
circonvenir mais elle fait constamment notre émerveillement. Et la contemplation de cette réalité, c’est
ce qui nous tient en éveil parce que, de fait, en scrutant l’humanité du Seigneur, nous scrutons tout
ensemble cette humble humanité qui est l’écrin de la révélation du Dieu vivant et, en même temps, cette
humanité qui nous révèle quelle est notre vocation, de quel infini nous sommes capables. Le Seigneur ne
vient pas vers nous pour nous enfermer en nous-mêmes, mais au contraire, il nous invite à entrer en
nous-mêmes dans la profondeur de notre cœur et il nous invite à nous ouvrir, parce que cette
profondeur où nous pouvons accueillir le Mystère de Dieu, elle est aussi la profondeur à partir de
laquelle nous pouvons dilater notre cœur à l’infini, en faisant nôtre le geste-même de Dieu qui est
d’aimer. Le Dieu-amour ne fait rien d’autre que aimer.
Frères et sœurs, chers amis, voilà de quoi nous sommes dotés, voilà de quoi nous sommes munis pour
traverser ces derniers jours jusqu’au 24 décembre. Nous pouvons rester avec ces personnages :
Élisabeth — qui représente toute l’Ancienne Alliance. Elle porte Jean et elle figure toute l’Ancienne
Alliance qui attend la révélation ultime du Messie de Dieu. Et Marie, l’Arche de la Nouvelle Alliance,
Marie qui porte le Verbe qui commence de se faire chair en elle.
Nous essayons quant à nous de nous rendre le plus disponibles possible pour accueillir, le moment
venu, cette petitesse dans laquelle Dieu va révéler sa grandeur ; cette petitesse si extraordinairement
vulnérable dans laquelle va s’épancher, pour nous les hommes et pour notre salut, l’amour sauveur.
Nous marchons vers ce jour où en regardant l’humanité de Jésus nous pourrons aussi regarder la nôtre.
Elle a ses limites, nous sommes pécheurs, nous sommes pécheresses, mais autre que d’être seulement
pécheurs et pécheresses, nous sommes des pécheurs et pécheresses sauvés, des êtres qui dans toutes
leurs limites, leur faillibilité, leur friabilité, sont ressaisis, ressaisis, et même recréés — on aura
l’occasion d’y revenir — par l’amour de Dieu.
Traversons ces derniers jours, en parachevant notre attente, c’est-à-dire en la dilatant encore un peu
plus pour être en mesure d’être nous-mêmes cette crèche, ce lieu où le Seigneur pourra venir naître et
aimer.
AMEN