Le changement d’heure coïncide dans notre calendrier européen avec le dimanche de la Passion. C’est comme un clin d’œil pour nous rappeler que « Charité n’a pas d’heure » (Jean Rodhain). La semaine sainte est en effet le temps béni où la charité de Dieu se déploie liturgiquement dans la mémoire ecclésiale et nous convoque à célébrer ensemble la Pâque de Jésus qui rejoint toutes nos pâques « maintenant et à l’heure de notre mort ». Notre mémoire n’est pas que souvenir du passé, mais discernement pour notre présent et notre avenir : « La charité nous presse » « Caritas christi urget nos) (2 Cor 5,14)
Tous les offices de la semaine sainte nous éduquent avec une pédagogie divine infiniment adaptée à notre humanité, à cette conversion à la charité du Christ : une charité qui se fait service, une charité qui se fait consentement, don de soi, amour de l’autre au point de donner sa vie pour lui, une charité qui se fait passion, compassion et résurrection, une charité qui révèle l’identité même du Créateur. « Où sont amour et charité, Dieu est présent » « Ubi caritas et amor, Deus ibi est »
Entrons dans cette semaine sainte avec l’enthousiasme de tous ceux et celles qui ont compris que « sans cette charité, je ne suis rien » (1 Cor 13,2). L’an dernier, le confinement de la crise sanitaire nous a surpris et contraints à redécouvrir la liturgie quotidienne dans l’ecclesiole domestique. Celle épreuve fut une grâce pour beaucoup d’entre nous.
Cette année, nous avons la chance de pouvoir à nouveau nous rassembler, même si les impératifs du couvre-feu nous conduisent à le vivre parfois en demi-teinte. Comment pourrions-nous bouder notre joie des retrouvailles, même si notre joie n’est pas parfaite ? La semaine sainte 2021 nous rappelle que nous ne sommes propriétaires de rien, pas même de nos rendez-vous liturgiques les plus solennels, et que tous les sacrifices que nous imposent la crise sanitaire ne sont rien à côté des sacrifices inouïs des plus pauvres de part le monde, et plus encore à côté du sacrifice suprême du Christ Sauveur.
Puissions-nous relire tous ces évènements en essayant d’en tirer un bien pour notre vie intérieure et notre santé spirituelle !
« Tout est grâce » disait Bernanos… Oui « Tout est donné », et le temps de la semaine sainte est par excellence le temps où nous prenons la mesure que le Salut nous est donné sans aucun mérite de notre part, si ce n’est de nous laisser faire par la charité du Christ.
Cette année, la Pâque chrétienne coïncide avec la Pâque juive, remettant en perspective notre filiation avec la généalogie de Jésus : ensemble nous chanterons le Gloire de Dieu qui nous libère de tous nos esclavages, nous fait traverser la mort comme on traverse la mer à pied sec et nous conduit dans la terre promise de son Alliance éternelle.
La redécouverte l’an dernier d’une liturgie domestique à l’exemple de nos frères juifs, pour célébrer la Pâque, reste d’actualité pour célébrer ces jours saints même si quelques rendez-vous nous permettent de rejoindre la communauté.
Accrochons-nous aux branches des rameaux de l’Espérance pour faire monter vers le ciel notre appel à l’aide « hosanna, de grâce, sauve-nous ! » peut-être serons-nous alors disposés et attentifs à la réponse du Récit de la Passion qui, tel un dramaturge, nous invite à contempler la façon dont Dieu se fait proche de nous jusque dans nos faiblesses et dans la mort.
Ne soyons pas surpris que Jésus soit suspecté « cas contact » avec nous. En fait, il est lui-même le cas contact d’un Dieu d’amour qui ne veut plus de distanciation sociale avec notre humanité. Il veut se révéler à nous, sans masque, à visage découvert, et son visage a les traits tirés et fatigués de celui que Pilate montre à la foule « Voici l’homme ». On aimerait tant le trouver ailleurs, mais il est là, présent dans son corps qu’est l’Eglise, aussi défiguré, aussi abimé que le vendredi saint, mais c’est bien lui. La Croix rayonne de sa Présence comme le buisson ardent irradiait de la Présence de l’Eternel.
Dans la nuit de Pâques, l’Exultet et l’Alléluia seront nos chants de ralliement pour redire « notre joie d’être sauvés » (Ps 50,14) et entrainer à la suite du Christ tous ceux qui cherchent la Vérité.
« Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! »
C’est la Pâque du Seigneur, c’est notre Pâque !
Ne cherchez plus parmi les morts Celui qui est vivant !
Gilles Rebêche 28 mars 2021